Mémoire, oubli, souvenir dans les œuvres de Jean-Jacques Rousseau

Résumé

Mon article constitue une analyse du concept d’authenticité chez Jean-Jacques Rousseau. Ce qui m’intéresse particulièrement dans cette analyse c’est la triade dialectique mémoire-oubli-souvenir. Rousseau met cette triade en œuvre pour définir « le sentiment de l’existence », synonyme de l’authenticité et de la transparence des consciences humaines. Or les méfaits de la culture, dont l’homme seul est responsable en tant qu’être historique, ont défiguré cette authenticité et cette transparence primordiales. Rousseau se propose donc de descendre, par une sorte d’archéologie de la mémoire, dans les couches les plus profondes de son cœur, pour y retrouver un autre avatar de l’authenticité, l’état de nature. Il savait pourtant que l’état de nature, tel qu’il l’avait formulé, n’avait aucune valeur empiriquement démontrable et qu’on ne pourrait jamais préciser son moment historique ou les causes de sa chute. Car l’état de nature rousseauiste, un concept ahistorique, relève d’une pure fiction. C’est un signifiant sans signifié, pour ainsi dire, que seule une autre fiction pourrait solidifier, celle de l’introspection, que Rousseau pratiquait d’ailleurs à travers toute son œuvre. Chez Rousseau restaurer l’authenticité perdue c’est réduire la distance intérieure qui le sépare de lui même. Un spectre de mélancolie plane donc sur les écrits politiques de Rousseau. Ainsi s’avère-t-il être un des premiers modernistes antimodernes dans la longue histoire de la modernité européenne.