ACTA UNIVERSITATIS LODZIENSIS
Folia Litteraria Romanica 20(1) 2025

DOI: https://doi.org/10.18778/1505-9065.20.1.13

Dire du bien et du mal dans le rap – Analyse pragmatique de textes français et polonais (2020-2024)

Andrzej Napieralski*

logo ORCID https://orcid.org/0000-0002-9811-924X
Université de Łódź
andrzej.napieralski@uni.lodz.pl

Lena Czerwińska*

logo ORCID https://orcid.org/0009-0003-4333-3913
Université de Łódź
lena.czerwińska@edu.uni.lodz.pl

RÉSUMÉ

Le hip-hop, représenté par le rap comme principal porte-voix, incarne une jeunesse complexe et constitue une contre-culture urbaine s’inspirant de diverses influences. Cette « réalité de la rue » émerge en réaction aux conditions de vie imposées par un système dominant. Notre recherche explore des textes récents (2020-2024) de rappeurs français et polonais afin de discerner leur vision des valeurs morales, distinguant entre ce qui est considéré comme bien et mal. Nous analysons les thèmes abordés dans leurs discours pour comprendre à la fois les critiques exprimées et les aspects positifs mis en avant. Une approche comparative est adoptée, centrée sur des textes représentatifs des deux pays. De plus, nous étudions les formes lexicales de la « mauvaise parole », telles que les insultes, injures, gros mots et vulgarités. L’analyse comparera également les perceptions du « bien et du mal » dans ces deux pays où le hip-hop a prospéré depuis des décennies, mettant en lumière l’évolution des valeurs véhiculées à travers le rap au cours des 20 dernières années.

MOTS-CLÉS – Hip-hop, rap, lexicologie, analyse du discours, injures, insultes

Good and Bad Talk in Rap: Pragmatic Analysis of French and Polish Lyrics (2020–2024)

SUMMARY

Hip-hop, represented by rap as its main voice, embodies a complex youth and serves as an urban countermovement drawing from various influences. This “street reality” emerges as a reaction to the living conditions imposed by a dominant system. Our research analyses recent (2020-2024) lyrics of French and Polish rappers to discern their views on moral values, distinguishing between what is considered right and wrong. We analyse the themes within their discourse to understand both the criticisms expressed and the positive aspects highlighted. A comparative approach is adopted, focusing on representative texts from both countries. Additionally, we study the lexical forms of “bad language,” such as insults, slurs, curse words, and vulgarities. The analysis will also compare perceptions of “good and bad” in these two countries where hip-hop has thrived for decades, shedding light on the evolution of values conveyed through rap over the past 20 years.

KEYWORDS – Hip-hop, rap, lexicology, discourse analysis, insults, curse words

Introduction

Le rap, en tant que porte-parole de la culture hip-hop, incarne bien plus qu’une simple expression musicale. Il représente un espace discursif où le « bien » et le « mal » s’entrecroisent, donnant lieu à une multitude d’interprétations sociales et culturelles. Manuel Boucher affirme que « le rap est l’expression d’un mouvement désarticulé, erratique » (Boucher, 1998 : 424) qui n’est pas un mouvement social, mais un mouvement culturel et identitaire. Grâce au rap, les partisans de la culture hip-hop peuvent suivre les tendances du milieu, l’évolution des mœurs dans le mouvement ainsi que la langue en vogue qui est un trait fortement identitaire pour les membres de cette communauté. Nous soutenons le propos de « la langue du rap comme faisant partie de l’‘argot commun des jeunes’ » (Napieralski, 2014 : 48), et cet argot, a été définit par Denise François-Geiger comme une variété de la langue « qui est constituée de termes anciens, éventuellement revivifiés, de termes récents plus ou moins spécialisés, empruntés aux argots les plus divers, de termes à la mode [...] et qui tend à s’infiltrer dans la langue commune, populaire ou non » (François-Geiger 1989 : 86). La culture hip-hop, née dans les quartiers marginalisés, est une réaction aux structures de pouvoir et à l’hégémonie culturelle d’une société organisée selon un modèle de répression hiérarchique. Par leur parole, les rappeurs articulent des critiques acerbes envers les institutions et les normes sociétales, tout en mettant en avant des aspects positifs de leur communauté, tels que la loyauté et la solidarité. Cette dynamique de confrontation entre le « bien » et le « mal » devient un outil pour dénoncer les injustices et affirmer une identité distincte, souvent en opposition aux valeurs dominantes. La conceptualisation du monde par la langue, telle qu’on la retrouve dans les textes des rappeurs, s’inscrit dans l’optique des remarques de Pierre Bourdieu sur l’argot du « milieu » et de son rôle dans un mouvement en marge.

L’argot du ‘milieu’, en tant que transgression réelle des principes fondamentaux de la légitimité culturelle, constitue une affirmation conséquente d’une identité sociale et culturelle non seulement différente mais opposée, et la vision du monde qui s’y exprime représente la limite vers laquelle tendent les membres (masculins) des classes dominées dans les échanges linguistiques internes à la classe […]. (Bourdieu, 1983 : 103)

L’objectif de cet article est d’explorer les manifestations discursives du bien et du mal dans des textes de rap français et polonais contemporains (2020-2024). En s’appuyant sur une approche discursive et lexicologique, cette étude mettra en lumière comment le rap, en tant que produit de la culture des « dominés », utilise des formes de langage transgressives pour exprimer des réalités complexes et parfois contradictoires. Nous verrons comment les insultes, jurons, et vulgarismes coexistent avec les expressions de valorisation et de soutien, reflétant ainsi la dualité de cette culture qui oscille entre contestation et appartenance. Nous analyserons comment des formes lexicales particulières, propres au milieu, influencées par la ‘culture internet’ et le slang américain, s’entremêlent avec des termes valorisants et solidaires, révélant la complexité de cette culture qui allie rébellion et affirmation d’identité.

1. La bonne et la mauvaise parole – cadre théorique

Les notions de « bonne » et « mauvaise » parole sont des concepts relativement vagues qu’il est essentiel de préciser afin de proposer une recherche focalisée sur un objectif plus précis. Ces jugements ne se limitent pas aux simples énoncés ; ils incluent des nuances qui reflètent des valeurs, des intentions et des contextes socioculturels. Définir ce qui constitue une « mauvaise parole » implique de se pencher sur des concepts linguistiques tels que les jurons et gros mots ou les insultes et les injures, tout en les différenciant clairement, tandis que la « bonne parole » regroupe des expressions valorisantes et de soutien. Les jurons font partie de la catégorie de la « mauvaise parole » et se distinguent par leur usage impulsif et leur contexte de spontanéité émotionnelle. Selon Martina Drescher (2004), « les jurons se composent avant tout d’interjections secondaires et de locutions figées d’origine diverse qui appartiennent aux variétés linguistiques familière, populaire voire vulgaire, et sont soumises à un tabou langagier plus ou moins fort » (Drescher, 2004 : 20). Ils représentent un langage brut et sincère, souvent utilisé dans des situations de stress ou de colère. Émile Benveniste quant à lui considère que « le juron est bien une parole qu’on ‘laisse échapper’ sous la pression d’un sentiment brusque et violent, impatience, fureur, déconvenue. […]. Il ne transmet aucun message, il n’ouvre pas de dialogue, il ne suscite pas de réponse » (Benveniste, 1974 : 256). Par conséquent, les jurons sont souvent perçus comme un moyen d’exprimer des émotions fortes sans engagement discursif envers l’autre. Les gros mots et leur caractère offensant entrent aussi dans l’idée de « mauvaise parole ». Gilles Guilleron explique que « la plupart des dictionnaires conviennent qu’un gros mot est grossier, c’est-à-dire cru, incorrect, indélicat, obscène, scatologique, vulgaire, et que, par conséquent il offense la pudeur par son ignorance des codes de politesse et de bienséance… » (Guilleron, 2007 : 6). Les gros mots, bien qu’ils soient utilisés pour choquer ou provoquer, peuvent également servir de catharsis[1] ou de marqueur identitaire[2] dans des contextes sociaux spécifiques. Les insultes et les injures sont également au cœur pour « dire du mal ». Selon Gilles Guilleron, « l’insulte et l’injure […] visent à outrager quelqu’un : insulte est peut-être plus une attaque de circonstance […], tandis que l’injure cherche à provoquer, à déstabiliser pour causer un tort de manière injuste » (Guilleron, 2007 : 7). Ces formes de langage sont des moyens d’attaquer directement l’autre, souvent pour exprimer un conflit ou une tension. Comme le soulignent Philippe Ernotte et Laurence Rosier : « l’insulte ne se contente pas d’être un mot, elle suppose une configuration discursive et une situation d’énonciation mettant en jeu différents éléments, notamment les participants à l’interaction dans laquelle surgira l’insulte, qu’elle soit réflexe ou tactique » (Ernotte, Rosier, 2004 : 36). Cela souligne la dimension interactive et stratégique de l’insulte, qui devient un acte de langage destiné à provoquer, déstabiliser ou affirmer une position pour marquer un rapport de force et exprimer des dynamiques relationnelles. D’un autre côté, la bonne parole se manifeste dans des expressions qui valorisent et soutiennent les membres d’une communauté, promouvant des valeurs telles que la loyauté, la solidarité, et l’amour. Bien que la « bonne parole » soit moins étudiée, elle constitue un équilibre nécessaire à la dualité du langage.

2. La bonne et mauvaise parole dans le rap – analyse du corpus

Notre analyse, dans cette étude, est basée sur un corpus de textes de rap récents (2020-2024) provenant d’artistes français et polonais. Le choix de cette période est motivé par la volonté d’étudier un corpus le plus actuel possible, afin de saisir les tendances contemporaines dans le hip-hop, une culture marquée par sa capacité à refléter les réalités sociales. Les artistes sélectionnés, tant en France qu’en Pologne, représentent des figures influentes du rap contemporain, choisis en fonction de leur popularité, de leur place dans les classements d’écoute en ligne et du nombre de disques vendus. Les albums français choisis incluent HORIZON 25 de B.B. Jacques (2024), Dire je t’aime de BEN plg (2024), AD VITAM ÆTERNAM de Booba (2024), Pièces montées de Dany Dan & Kyo Itachi (2024), Décennie de JuL (2024), BON COURAGE de Kalash Criminel (2024), La solution de Mairo & H JeuneCrack (2024), Triptyque : Lueurs Célestes de MC Solaar (2024), Chambre 140 (Part.1) de PLK (2024), La vie est bien faite de Sameer Ahmad (2024), et SIGNAL II de TH (2024). Pour le rap polonais, les albums sélectionnés sont Jarmark de Taco Hemingway (2020), 100 dni po maturze de MATA (2021), Romantic Psycho de Quebonafide (2021), Notatki z marginesu de Young Igi (2022), OIO de OIO (2021), Patocelebryta de Kizo (2023), Hotel Maffija 2 de SB Maffija (2022), Różowa Pantera de Szpaku (2021), et Uśmiech de Jan-rapowanie & NOCNY (2020). L’analyse des textes[3] de ces albums nous permettra d’identifier de qui et de quoi les rappeurs disent du bien ou du mal, ainsi que les moyens discursifs et lexicaux qu’ils utilisent pour le faire.

2.1. Dire du bien dans le rap français

Dans le rap français, « dire du bien » se traduit par des paroles valorisantes qui expriment des sentiments de respect, d’affection et de gratitude envers des personnes, des lieux, et des éléments de la vie du rappeur. Cette expression positive s’articule autour de plusieurs thèmes récurrents tels que l’amitié, la famille, la ville d’origine, et même certains aspects matériels.

Les amis et la famille

Les amis occupent une place centrale dans le rap français. Ils sont souvent dépeints comme des soutiens indispensables et des partenaires de parcours. Dans le morceau Dire je t’aime de BEN plg, l’artiste affirme : « Mes gars, sans eux, j’serai nulle part ». Cette phrase reflète la loyauté et l’importance des liens d’amitié, soulignant que le groupe de pairs est perçu comme une source de force et de soutien. Dans HMD, Sameer Ahmad met en avant la fidélité à son entourage : « Au générique, c’est ma clique et moi. C’est la règle du jeu depuis la guerre du feu ». Cette image renforce l’idée d’un groupe soudé et durable, unissant les amis dans un projet commun et une vision partagée. La famille, et notamment la figure de la mère, est un thème dont il est dit du bien dans le rap français. Elle représente un ancrage émotionnel et un soutien inconditionnel. BEN plg évoque sa relation avec sa mère dans Plus peur du monde : « Sans ma mère j’aurai pas ces rêves ». Cette phrase témoigne de l’importance des racines familiales dans la construction de son identité et de ses ambitions.

La cité et la ville

La cité, ou le quartier d’origine, est un autre élément valorisé. Pour les rappeurs, elle représente à la fois un lieu de fierté et un environnement formateur. BEN plg, dans Colorier des HLM, chante : « Il fait beau dans la tess, c’est pas que gris dans l’ghetto ». Ici, le rappeur va à l’encontre des stéréotypes en montrant son attachement profond à la cité, suggérant qu’il y a de la beauté et de la lumière dans cet environnement souvent marginalisé. JuL, dans Cramoutch, déclare : « J’ représente les quartiers d’Marseille ouais jusqu’à Valence ». Ici, la valorisation de la ville devient une affirmation identitaire, montrant un attachement profond au lieu de naissance ou d’appartenance.

Le ‘Je’ (le rappeur lui-même)

Les rappeurs utilisent également des paroles favorables pour parler d’eux-mêmes et de leurs compétences, renforçant leur confiance en eux et leur image de succès. Sameer Ahmad, dans Cholos, se décrit avec fierté : « À la 2 4 6, skills magistraux, de la magie en kilos », il se voit comme un artiste compétent et unique dans son domaine. Dans Fast learner, Mairo & H JeuneCrack affirment : « Mon pe-ra[4] se rapproche de la frontière et mon phrasé se rapproche de La Fontaine […] que mon plumage se rapporte à mon ramage ». Ces vers révèlent une ambition élevée et une aspiration à l’excellence, s’inspirant de références littéraires pour renforcer leur identité artistique.

L’argent et les biens matériels

Dans le rap, l’argent et les biens matériels occupent une place importante en tant que symboles de réussite et de pouvoir. Les voitures de luxe, les marques de haute couture et les références à l’argent incarnent un idéal de prospérité que beaucoup de rappeurs souhaitent atteindre, exprimant ainsi leur ascension sociale et leur statut. TH, dans Madère, met en scène cette symbolique avec la description suivante : « Le gros gamos[5], la vitre teintée, comme la paire de Versace ». Le luxe devient ici un marqueur de statut, un symbole d’élévation et de respect. La valorisation de l’argent se manifeste également dans d’autres textes où les rappeurs expriment le désir d’accumuler des richesses. Dans Encore les problèmes, Kalash Criminel et Freeze Corleone évoquent leur aspiration à la prospérité avec la phrase: « Faut plus de cheeses de dix fromageries (Cash) ». Cette métaphore, qui joue sur le double sens de ‘cheese’ (l’argent), illustre l’appétit insatiable pour la richesse, représentée comme une multiplicité de sources de revenus. L’accumulation de biens devient une manière de s’imposer dans un système économique où l’argent est roi. Dans L’acide et la base, Mairo & H JeuneCrack utilisent une autre métaphore pour évoquer leur rapport à l’argent : « Si y a du bif j’suis comme le vent, autant qu’j’en emporte ».

La marijuana

La marijuana occupe une place particulière dans les textes de rap français, souvent perçue comme un moyen d’apaisement et d’évasion. Dans C’est la vie, Sameer Ahmad utilise une métaphore pour qualifier la marijuana de « Médecine de Kingston » et ajoute : « je m’endors activement ». PLK, dans La nuit parle de l’usage de la marijuana comme d’un moyen de s’évader : « Fumée de la laitue me calme (Oui), j’en allume un et j’m’en vais près des nuages ». Ici, la ‘laitue’ est une métaphore pour la marijuana, et le fait de « s’en aller près des nuages » suggère un voyage introspectif qui permet de se détacher de la pression quotidienne.

2.2. Dire du bien dans le rap polonais

Dans le rap polonais, « dire du bien » concerne le plus souvent des sujets proches du rappeur donné, comme sa famille, sa ville natale, ses amis, ses idoles ou son succès.

La famille

La famille est l’un des sujets les plus fréquemment valorisés positivement, car elle représente les origines du rappeur et est souvent présentée comme son refuge. Cependant, dans les chansons, ce sont les mères qui sont présentées comme les plus respectées, contrairement aux pères qui sont généralement absents. Dans la chanson Bąbelek, Jan-rapowanie affirme : « Kocham swoją rodzinę (j’adore ma famille) » et « mam najwspanialszą mamę (j’ai la plus merveilleuse des mères) ». Dans Dziewczyny z klasy, il chante : « Swoim rodzicom dziękuję i zawsze pomogę (Je remercie mes parents et je les aiderai toujours) ».

La ville

Un thème proche de la famille, également lié à l’enfance et aux origines des rappeurs, est leur ville natale. Les rappeurs qui viennent de petites villes soulignent dans leurs chansons la fierté de leurs origines. C’est entre autres le cas du rappeur Quebonafide qui mentionne sa ville d’origine et souligne un attachement profond à celle-ci dans Saigon 1955 : « Ciechanowska ziemia, zżyty z nią na amen (La terre de Ciechanów, lié à elle pour de bon) ». Jan Rapowanie, quant à lui, fait l’éloge de sa ville sans la nommer, dans la chanson My où il la compare à sa famille en disant : « Moja rodzina – miasto, serio w życiu miałem szczęście (Ma famille – la ville, j’ai été vraiment heureux dans ma vie) ».

Les amis

Dans le rap polonais, nous trouvons de nombreuses mentions concernant les amis. Ils peuvent provenir de l’enfance du rappeur ou de l’entourage dans lequel il travaille. Même des années après l’obtention de son bac, Jan Rapowanie se souvient toujours de ses amis du lycée qu’il mentionne dans Główny en chantant : « Czas leci pozdro VI LO, pozdro ekipa z meliny (Le temps passe vite, respect au lycée VI, respect à l’équipe du squat) ». L’importance de l’amitié a été aussi soulignée par Kizo dans la chanson Discopolo où le rappeur affirme : « Doborowa ekipa, to moja świta (La meilleure équipe, c’est mon entourage) ».

Le ‘Je’ (le rappeur lui-même)

Les rappeurs polonais tout comme les rappeurs français se décrivent en employant des paroles valorisantes pour renforcer l’image de leur réussite et de leurs compétences. Dans le morceau Wroobel daj to głośniej SB Maffija affirme : « Ej, Jesteśmy jak nowi Beatelsi, tylko odrobinę lepsi (Hé, nous sommes comme les nouveaux Beatles, mais un peu meilleurs) ». Parfois, au lieu d’utiliser des comparaisons, les rappeurs s’auto-valorisent en utilisant des lexies comme ‘légende’ ou ‘roi’. Dans Icy baby, Young Igi chante : « Stałem się legendą tej dzielni (Je suis devenu la légende de ce quartier) », et de même, Szpaku dans Ośmiogwiazdkowy sku*wiel dit : « W mamy brzuchu już wiedziałem, będę królem rapu (Je savais déjà dans le ventre de ma mère que je serai le roi du rap) ».

Le succès et les biens matériels

La plupart des rappeurs polonais sont nés dans des familles pauvres et ont commencé leurs carrières dans l’underground avant d’atteindre le grand public, c’est probablement pourquoi les mentions du succès sont assez courantes dans leurs chansons. C’est le cas de Kizo dans Patryk I Waza qui affirme que : « Myyy to sukceees (Nous sommes le succès) ». Pour montrer sa réussite le groupe SB Maffija dans Doba hotelowa, parle des voitures de luxe, en disant : « Pod pałacem kawaleria, ze mną trzy tysiące koni, To tylko trzy samochody, żaden nie jest pożyczony (Devant le palais, il y a la cavalerie, avec moi trois mille chevaux, Il n’y a que trois voitures, aucune n’est empruntée) ».

Parler d’autres rappeurs

Dans la partie polonaise du corpus, nous avons trouvé beaucoup de références à d’autres rappeurs. Le plus souvent, les artistes font l’éloge de leurs amis ainsi que des rappeurs issus de la soi-disant vieille école du rap. Parfois, ils n’énumèrent que leurs idoles, comme Mata dans KONTRAKT : « Moje autorytety: Tupac, Ricky, babcia (Mes autorités : Tupac, Ricky, grand-mère) ». Il est intéressant de noter que dans le rap polonais, les artistes complimentent des rappeurs concurrents, c’est le cas de Szpaku qui dans Hałas dit : « Szacun Malik, niech to leci za granicę, Szacun SB, wiem, kto kocha tą muzykę (Respect Malik, envoyez-ça à l’étranger, Respect SB, je sais qui kiffe cette musique) ».

2.3. Dire du mal dans le rap français

Le rap constitue une échappatoire permettant de partager des réflexions et de critiquer le monde qui nous entoure. Dans les paroles des rappeurs français, certains sujets se prêtent davantage à une critique virulente que d’autres, souvent accompagnés de lexies à caractère vulgaire et insultant. Les rappeurs français n’ont aucune pitié pour les gens qu’ils jugent moralement dépravées. Les thèmes du racisme et de la pédophilie sont abordés avec une violence explicite et un rejet catégorique, cela peut être aperçu dans des affirmations comme : « J’fais couler le sang d’un raciste pour vérifier la couleur » ou « faut un pédophile mort chaque matin ». Ce langage extrême reflète une intolérance totale envers des injustices sociétales graves.

J’fais couler le sang d’un raciste pour vérifier la couleur
Ami(e) Noir(e), Kalash Criminel – BON COURAGE, 2024
On fait pas crari, on va tout cramer, faut un pédophile mort chaque matin
Encore les problèmes ft. Freeze Corleone, Kalash Criminel – BON COURAGE, 2024

Le rap français, souvent perçu comme une culture de rébellion, se construit autour d’une critique profonde des figures symboliques du système, telles que les politiciens et la police. Ces deux groupes sont représentés comme des adversaires directs, incarnant l’oppression et le mépris des classes populaires. Les politiciens sont considérés comme responsables des inégalités sociales et traités par exemple de « racailles » ce qui vise à inverser les stigmatisations habituellement associées aux classes populaires. La police, quant à elle, est présentée comme le bras armé du système, un outil de répression des communautés marginalisées. L’expression « Caillassé les keufs[6] mais jamais l’ambulance » établit une distinction claire : la colère contre les forces de l’ordre n’est pas un rejet de toutes les institutions. Ces paroles, brutales et provocatrices, traduisent la fracture[7] entre les dominés et les institutions, et s’inscrivent dans une tradition où le rap devient un espace de résistance et de dénonciation des oppressions systémiques.

Viens pas test, t’es pas d’taille, des politiciens racailles
Le recrutement de Ben Laden, Kalash Criminel – BON COURAGE, 2024
Caillassé les keufs mais jamais l’ambulance
Cœur blanc comme Jul, Kalash Criminel – BON COURAGE, 2024

Le rap français, en tant qu’espace d’expression brute, critique ouvertement plusieurs aspects de la société, y compris les comportements perçus comme nuisibles ou hypocrites. Les femmes, les dénonciateurs et les réseaux sociaux figurent parmi les cibles préférées des critiques. Les femmes sont souvent perçues comme manipulatrices ou opportunistes. Des termes péjoratifs comme ‘connasse’ ou ‘bitches’ sont utilisés pour exprimer le mépris. Dans l’extrait « et quant à cette connasse qui a cru me la faire » nous voyons un rejet général des femmes jugées « intéressées ». Ces propos s’inscrivent dans une rhétorique où les artistes rappellent leur méfiance envers des relations qu’ils estiment superficielles. Les dénonciateurs, surnommés ‘balances’, symbolisent la trahison dans la culture hip-hop. La phrase « Les balances, faut les barrer » illustre le rejet total des comportements qui vont à l’encontre de la loyauté et des codes d’honneur. Les réseaux sociaux, bien qu’omniprésents dans la vie contemporaine, sont souvent critiqués dans le rap pour leur superficialité et leur quête de validation. Dans le fragment : « les cent-trente vues en vingt-quatre heures, ça t’fou la gerbe » le rappeur critique l’obsession des chiffres et le vide émotionnel associé à ces plateformes en y voyant un miroir de la société moderne, où les interactions sont souvent déshumanisées et les relations réduites à des numéros.

Et quand à cette connasse qui a cru me la faire
Neron, Sameer Ahmad – La vie est bien faite 2024
Les cent-trente vues en vingt-quatre heures, ça t’fou la gerbe, c’est déjà ça
Faut pas oublier de dire je t’aime, BEN plg – Dire je t’aime 2024
Les balances, faut les barrer
Périph, PLK – Chambre 140 (Part. 1) 2024

Quand nous parlons de mauvaise parole, nous ne pouvons pas oublier la critique adressée au mystérieux « eux » qui apparait souvent dans les textes. Napieralski affirme que : « la dépréciation de l’antagoniste dans le rap en général et dans la diss en particulier découle de la manière de concevoir le monde par le rappeur : celui-ci joue sur le rapport « nous-eux », où le « nous » représente la culture hip-hop et ses valeurs partagées, alors que le « eux » renvoie aux ennemis du mouvement et à tout ce qu’ils représentent » (Napieralski, 2013 : 103). Dans le rap, l’opposition entre « nous » et « eux » est omniprésente, cristallisant les tensions entre le mouvement hip-hop et ses adversaires. Ce dualisme permet aux rappeurs de structurer leur discours autour de la résistance, de l’autonomie et du rejet des figures perçues comme hostiles ou nuisibles. Kalash Criminel, dans Fallait me le dire avant, exprime une confrontation directe à travers les paroles : « Ils pénavent[8] tous sur nous (Nique sa mère) ». « Eux » incarne ici ceux qui critiquent ou tentent d’opprimer les rappeurs et, plus largement, le milieu qu’ils représentent. Dans 6G, Booba souligne cette tension avec les mots : « Ils ont trop la rage, on fera jamais c’qu’ils veulent ». Le « eux » désigne ici des figures oppressantes, cherchant à limiter la liberté et l’expression du rappeur. JuL, dans Le trio ternura, illustre le mépris envers ses opposants en déclarant « Ceux qui aimeraient ma chute, c’est les parasites ». Dans Découpage, il poursuit cette idée avec « Nique la mère à ceux qui broutent », un rejet des opportunistes et des profiteurs. Pour ce qui est du lexique, parmi les termes de la « mauvaise parole » les plus courants on retrouve des insultes visant à humilier ou à disqualifier l’adversaire, telles que : ‘fils de pute’, ‘salope’ , ‘shlag’, ‘enculé’, ou encore ‘pulecra’ (verlan de crapule). Ces lexies traduisent un mépris sans concession, accentuant la charge émotionnelle des paroles. Des termes comme ‘kassos’, ‘bâtard’, ‘pétasse’ ou ‘chacals’ renforcent cette volonté de marginaliser symboliquement l’ennemi. Le lexique emprunte également aux gros mots anglais, avec des formes lexicales comme ‘bitch(es)’ ou des collocations avec ‘fuck’. Ce dernier apparaît de manière récurrente dans les textes, avec 23 occurrences recensées dans le corpus analysé. Par exemple, Kalash Criminel utilise l’expression « fuck les vices, fuck les fachos », dénonçant à la fois les comportements nuisibles et les idéologies extrémistes. Sameer Ahmad ajoute une dimension socio-économique avec « Fuck les bourges bandeurs de cités », attaquant les élites perçues comme hypocrites et déconnectées. D’autres insultes comme : ‘putes’, ‘grosse salope’, ‘zgeg’, ou encore des locutions explicites comme « Va t’faire enculer » et « Nique sa mère » illustrent une violence verbale qui vise à choquer et à s’imposer dans un environnement où la brutalité du langage reflète souvent une dure réalité sociale.

2.4. Dire du mal dans le rap polonais

Les sujets critiqués dans le rap polonais sont variés, mais certains thèmes reviennent fréquemment. Outre les thématiques typiques du rap, les artistes abordent des questions graves comme la mauvaise gouvernance et la qualité de vie en Pologne. Pour illustrer la désorganisation du pays, ils utilisent des techniques comme comparer la Pologne à un ‘bordel’ ou à Kanye West, connu pour ses troubles psychiques. Les expressions vulgaires, telles que jebać władzę (fuck les autorités) ou jebany rząd (gouvernement foutu), sont omniprésentes.

I ciągle dopada mnie ból ten, ten kraj mi wygląda jak burdel
(Et je ressens toujours cette douleur, ce pays ressemble à un bordel)
Oni nie zamkną mnie, OIO – OIO, 2021
Potrząśniemy tym krajem, pojebanym jak Kanye
(On va secouer ce pays, fou comme Kanye)
Chodzę po Luwrze, SB Maffija – Hotel Maffija 2, 2022

Un autre thème récurrent cible de critiques est celui des professeurs, du système éducatif et scolaire. Pour parler de son ancien enseignant, le rappeur Mata utilise l’expression być zerem (être un zéro), signifiant une personne qui n’a rien accompli dans sa vie. Pour dénigrer davantage les professeurs, les rappeurs recourent à des termes encore plus virulents, tels que kurwa zajebana (espèce de pute), cwel (pédé) ou ciemnota (ignorance).

Dawałeś mi jedynki, a i tak byłeś zerem
(Tu me donnais des 0 et tu étais quand même un zéro)
Diss na Prof *****, Mata – 100 dni po maturze, 2021

Étant donné que l’Église catholique occupe une place importante dans le discours politique en Pologne, elle est également intégrée au « système » souvent dénoncé par les rappeurs polonais. Dans l’exemple qui suit, un artiste met en avant la grandeur de Dieu en employant l’expression nie mieć sobie równych (ne pas avoir son pareil). Cependant, il souligne ironiquement l’avarice des prêtres en déclarant que, malgré tout, Dieu aurait besoin de 20 PLN.

Pan Bóg ma wszystko, tylko nie ma sobie równych (…) Lecz potrzebuje twoich dwóch dych
(Dieu a tout, sauf qu’Il n’a pas son pareil (…) Mais il a besoin de tes 20 PLN)
Dwuzłotówki Dancing, Taco Hemmingway – Jarmark, 2020

De nombreux rappeurs polonais originaires de petites villes, expriment leur sentiment d’oppression face aux grandes métropoles. Leur critique vise particulièrement Varsovie, la capitale, symbolisant pour eux la – rapidité de la vie urbaine et le manque de sincérité des habitants.

Nienawidzę Warszawy i nie chodzę sam do lekarzy…
(Je déteste Varsovie et je ne vais pas chez le médecin seul…)
Jesień, Quebonafide – Romantic Psycho, 2020

Le mode de vie (parfois proche de ou dans l’illégalité) de nombreux rappeurs (et de leur entourage) les conduit souvent à des confrontations avec la police, ce qui explique probablement la fréquence des insultes dirigées contre les forces de l’ordre dans leurs chansons. Ils utilisent divers procédés linguistiques comme l’emprunt (fuck the police), la siglaison (HWDPhuj w dupę policji ‘encule la police’), ou des expressions avec métaphore comme jebać psy (nique les chiens). Il est intéressant de noter que le vocabulaire polonais utilisé pour désigner les policiers s’appuie fréquemment sur la métaphore du chien, comme dans pies (chien) ou kundel (chien bâtard).

HWDP
(Encule la police)
Diss na Prof *****, Mata – 100 dni po maturze, 2021

Un autre thème lié à la police concerne ceux qui collaborent avec elle : les dénonciateurs. Avec le temps, le terme polonais konfident (dénonciateur) a évolué, passant du sens neutre de ‘personne de confiance’ à une connotation péjorative, désignant quelqu’un qui trahit les autres en les dénonçant. Ce mot est souvent utilisé dans des locutions comme : w konfidentów pała jest wbita (bite dans le cul aux dénonciateurs) ou ty kurwo konfidencie (toi pute dénonciateur).

Kometa spadnie na donosicieli
(La comète tombera sur les dénonciateurs)
Avatar, Kizo – Patocelebryta, 2023

Le thème des femmes est abordé dans le rap polonais avec une ambivalence, oscillant entre critiques et éloges. Les rappeurs méprisent particulièrement les femmes attirées par un artiste uniquement pour sa célébrité ou sa richesse. Pour les décrire, ils emploient des termes péjoratifs associés à la prostitution, tels que suka (chienne), szmata (chiffon), dziwka (pute), ou des anglicismes comme side hoe (plan cul de secours).

Nie, pilnuj swoją sukę lepiej, Mam ich dosyć po koncertach…
(Non, tu ferais mieux de contrôler ta pétasse, J’en ai assez après les concerts…)
BBL, Young Igi – Notatki z marginesu, 2022

Le rappeur insulte souvent l’apparence de son adversaire à l’aide de collocations comme : zryty ryj (gueule tordue), ou il attaque son intelligence avec des phrases telles que : z idiotami nie gadam (je ne parle pas aux cons). Il peut également s’en prendre au statut ou au succès de son antagoniste, en déclarant par exemple : ty nie jesteś żadną gwiazdą (tu n’es pas une star) ou jesteś zerem (t’es un zéro). Ces insultes s’accompagnent fréquemment de comparaisons destinées à renforcer le contraste entre le rappeur et son rival. Un exemple typique est celui où l’artiste se proclame król (roi) tandis qu’il réduit son adversaire à pizda (pétasse), soulignant ainsi son infériorité.

Ja mogę być królem disco, A ty zawsze będziesz pizdą
(Je peux être le roi du disco, et tu seras toujours une pétasse)
Discopolo, Kizo – Patocelebryta, 2023

Le lexique du rap polonais se distingue par une vulgarité omniprésente. Dans notre corpus, le juron kurwa (putain) est le plus utilisé, avec 92 occurrences, confirmant sa popularité parmi les rappeurs. Pour insulter leurs adversaires, ils emploient fréquemment des termes péjoratifs liés aux femmes, comme pizda ou cipa (désignant le sexe féminin), ainsi que dziwka, suka, szmata, szon et kurwa (souvent traduits par ‘pétasse’ ou ‘salope’). Ils utilisent également un vocabulaire associé à l’homosexualité, comme pedał, ciota et cwel, ainsi que des termes visant à discréditer l’intellect, tels que zjeb, jełop, idiota et debil. Les verbes les plus récurrents dans le corpus sont liés à la sexualité, notamment jebać (niquer) et pierdolić (baiser). Ces verbes, tout comme kurwa, servent de base à la formation de nombreuses formes lexicales insultantes, telles que skurwysyn (fils de pute), wkurwiać (emmerder), zajebać (tuer), pojebany (fou), rozpierdolić (démolir) ou wypierdolić (baiser). Ce langage crû est emblématique de l’agressivité et de la provocation propres au genre.

Conclusion

L’analyse des discours du rap polonais et français révèle des similitudes dans leurs thématiques, mais également des différences significatives dans leurs approches et priorités. Si les deux discours partagent une fonction critique et contestataire, leurs façons de « dire du mal » et de « dire du bien » mettent en lumière des spécificités culturelles et contextuelles. Dans le rap polonais, cette critique s’oriente principalement vers des enjeux structurels et sociaux. Les rappeurs polonais dénoncent avec force les dysfonctionnements du système éducatif, les inégalités sociales, ou encore l’influence de l’Église. Ce discours est caractérisé par une vulgarité marquée, comme en témoigne la récurrence du juron kurwa et des dérivés des verbes de copulation. En comparaison, le rap français, tout en partageant un langage provocateur, accorde davantage de place aux injures personnelles et aux affrontements directs. Les thématiques sont souvent centrées sur l’opposition entre « nous » et « eux », où « eux » incarne les ennemis du mouvement, qu’il s’agisse de figures politiques, institutionnelles ou de rivaux anonymes. Ce rapport conflictuel met en avant une lutte symbolique contre l’oppression, mais à travers une approche plus individualiste et parfois moins structurée que dans le rap polonais. Il est important de souligner que le « dire du bien » ne disparaît pas dans ces discours, même s’il est souvent moins visible. Dans les deux corpus, il s’exprime par la valorisation de l’identité, de la communauté, et des qualités comme la loyauté et la solidarité. En Pologne, cette dynamique est renforcée par une fréquence plus élevée de mentions positives envers d’autres rappeurs, témoignant d’un respect mutuel et d’une unité au sein de la scène. En France, ces éléments positifs émergent dans la célébration de la culture hip-hop et des victoires individuelles ou collectives face à l’adversité. En définitive, l’analyse des discours dans le rap montre que la « mauvaise parole » est plus visible dans le discours que dans le lexique lui-même. Si les bonnes et les mauvaises paroles s’inscrivent dans les champs lexicaux traditionnels du hip-hop, elles adoptent des formes distinctes selon les contextes culturels et linguistiques. Ces différences reflètent les réalités sociales et les priorités culturelles propres à chaque scène, tout en soulignant le rôle central du rap comme espace de résistance et d’expression brute.


Autorzy

* Andrzej Napieralski, disciple d’Alicja Kacprzak et Jean-Pierre Goudaillier est maître de conférences à l’Université de Lodz depuis 2011. Il est l’auteur d’une trentaine d’articles sur le français non standard, l’analyse du discours du rap et les néologismes récents qui se trouvent sur les réseaux sociaux. Après avoir publié, le livre « La langue du rap en France et en Pologne » (Wydawnictwo Uniwersytetu Łódzkiego, 2014), il travaille actuellement sur les néologismes et les emprunts néologiques, les commentaires sur Internet et le verlan. Dans ces récentes recherches il se focalise sur l’analyse du discours des internautes tant du point de vue de la lexicologie (les procédés lexicogéniques) que de l’analyse du discours (les figures de style) et de l’argot.

* Lena Czerwińska, est diplômée en philologie romane de l’Université de Łódź. Depuis plusieurs années, elle participe activement aux travaux du cercle scientifique étudiant « Jeunes néologistes », qui regroupe de jeunes étudiants intéressés par la recherche sur l’argot, la néologie et les formes non standard du français, et qu’elle présidait récemment. Elle a soutenu son mémoire de maîtrise sur le discours dans les campagnes du Planning familial. Ses recherches s’inscrivent dans une réflexion plus large sur la figure de la femme dans le discours, qu’elle explore notamment à travers l’analyse de textes de rap et d’autres formes d’expression contemporaine.


Bibliographie

Benveniste, Émile (1974), Problèmes de linguistique générale 2, Paris, Gallimard

Boucher, Manuel (1998), Rap expression des lascars, Paris, L’Harmattan

Bourdieu, Pierre (1983), « Vous avez dit “populaire” », in Actes de la Recherche en Sciences Sociales, nº 46, Paris, Minuit, p. 98-105, https://doi.org/10.3406/arss.1983.2179

Calvet, Louis-Jean (2011), Les voix de la ville. Introduction à la sociolinguistique urbaine, Paris, Payot & Rivages

Drescher, Martina (2004), « Jurons et hétérogénéité énonciative », in Travaux de linguistique, nº 49, De Boeck Supérieur, p. 19-37, https://doi.org/10.3917/tl.049.0019

Ernotte, Philippe, Rosier, Laurence (2004), « L’ontotype : une sous-catégorie pertinente pour classer les insultes ? », in Langue française, nº 144, p. 35-48, https://doi.org/10.3406/lfr.2004.6806

Francois-Geiger, Denise (1989), L’argoterie, Paris, Sorbonnargot

Goudaillier, Jean-Pierre (2019), Comment tu tchatches !, Paris, Maisonneuve Larose, hémisphères éditions

Guilleron, Gilles (2007), Les gros mots, Paris, Editions First

Napieralski, Andrzej (2013), « La diss, ‘mauvaise parole’ du rap », in La mauvaise Parole, Toulouse, CALS, p. 101-111

Napieralski, Andrzej (2014), La langue du rap en France et en Pologne, Łódź, Wydawnictwo Uniwersytetu Łódzkiego

Napieralski, Andrzej (2022), « Le verlan et la néologie », Estudios Románicos, vol. 31, p. 265-278, https://doi.org/10.6018/ER.510271

Pecqueux, Anthony (2004), « La violence du rap comme ‘katharsis’: vers une interprétation politique », Volume ! La revue des musiques populaires, 3 : 2, p. 55-69, https://doi.org/10.4000/volume.1959

Sitographie

https://genius.com/

https://www.paroles.net/


Notes

  1. 1 Nous adoptons le concept de Pecqueux pour qui : « la violence et plus généralement le rap servent d’exutoire, ou katharsis, à la violence réelle qui caractérise l’environnement social des rappeurs et de leurs auditeurs » (Pecqueux, 2004 : 59).
  2. 2 Tout comme Calvet attribue à la ville une fonction d’unification linguistique, nous considérons les gros mots dans un contexte similaire, comme réponse à la constatation suivante : « la forme de la langue est ici le lieu d’une quête d’identité » (Calvet, 1994 : 17).
  3. 3 Nous ne modifions pas les textes des paroles que nous avons collectés sur paroles.net et genius.com pour garder l’authenticité et l’intention de leurs auteurs.
  4. 4 Verlan de ‘rap’.
  5. 5 ‘Voiture’.
  6. 6 Verlan de ‘flic’.
  7. 7 Nous nous référons aux concepts de ‘fracture sociale’ et de ‘fracture linguistique’, tels que les décrit Jean-Pierre Goudaillier (voir Goudaillier, 2019 : 9).
  8. 8 Du romani pénave ‘parler’.