ACTA UNIVERSITATIS LODZIENSIS
Folia Litteraria Romanica 17(2), 2022
https://doi.org/10.18778/1505-9065.17.2.22

Magdalena Koźluk* Orcid

Université de Łódź, Pologne

Se garder de la tyrannie de la peste en France (XVIe-XVIIe siècles)

RÉSUMÉ

Prolongeant les recherches actuelles sur les pandémies en Europe et en particulier dans la France des XVIe et XVIIe siècles, nous nous sommes proposés d’examiner dans le présent article les recommandations médicales qui visaient à protéger les patients des épidémies de peste. En nous appuyant sur les régimes de santé et sur les traités de pestes de l’époque, nous avons analysé les instructions proposées par les médecins, chirurgiens et apothicaires, pour mener une vie saine, vertueuse et préservée de la maladie. Dans la première partie, nous avons rappelé au lecteur contemporain les fondements et théories de l’ancienne médecine qui, sur la base d’un système complexe et cohérent, privilégiait le « juste milieu » et la sobriété. Dans la seconde partie, nous avons regroupé les diverses prescriptions prophylactiques relatives aux six choses non-naturelles en nous concentrant sur le manger et le boire, le mouvement et le repos, l’évacuation des humeurs superflues et la conduite des passions.

MOTS-CLÉS — médicine aux XVIe-XVIIe siècles, France, peste, régimes de santé, cure, sex res non naturales

Guarding Yourself against the Tyranny of the Plague in France (16th-17th Century)

SUMMARY

Extending current research on pandemics in Europe and in particular in 16th and 17th century France, we have proposed to examine in this article the medical recommendations that aimed to protect patients from plague epidemics. Based on health regimes and plague treatises of the time, we analyzed the instructions offered by doctors, surgeons and apothecaries, to lead a healthy, virtuous life and preserved from disease. In the first part, we reminded contemporary reader of the foundations and theories of ancient medicine which, based on a complex and coherent system, favored the “middle ground” and sobriety. In the second part, we have grouped together the various prophylactic prescriptions relating to the six unnatural things, focusing on eating and drinking, movement and rest, the evacuation of superfluous humors and the control of passions.

KEYWORDS — 16th-17th century medicine in France, plague, regima santitatis, treatment, sex res non naturales


De tost partir / Et loing fuir / Tard revenir

Il nous a semblé que la pandémie de Covid-19 bouleverserait pour toujours le cours ordinaire de nos vies tant la crainte de la maladie fut grande et la stupeur saisissante devant la rigueur des mesures sanitaires engagées. Le nuage passe et le commerce des hommes déjà bat son plein de vieilles habitudes avec une vigueur que les plus misanthropes d’entre nous avaient annoncée. Il reste que nous pouvons voir avec intérêt ce que de tels évènements engendrent de réflexions, de controverses et de publications sur l’histoire et les origines des pandémies, sur leurs vecteurs de transmission comme sur les cures et les moyens de s’en prémunir. Gageons que les publications, scientifiques ou grand public, se multiplieront encore longtemps, comme ce fut le cas dès les premiers siècles de l’imprimerie, car comme nous avons pu en être les témoins récemment, s’entrechoquent en de telles circonstances les enjeux de l’expertise médicale et leurs conséquences pratiques sur la vie quotidienne.

Comment donc vivre quand la maladie se répand ? Doit-on s’en remettre à la Providence ou bien s’employer à combler l’ignorance qui nous serait fatale ? Les européens des XVIe et XVIIe siècles se sont posés les mêmes questions. Ainsi, prolongeant le courant des recherches sur les calamités, nous nous proposons d’examiner ici les réponses qui leur ont été apportées en nous concentrant sur les principes fondamentaux de la tradition médicale. Afin de réaliser nos objectifs, nous nous appuierons en effet sur les informations transmises par les régimes de santé (regimina sanitatis)[1], genre particulier connu depuis l’Antiquité, dans lesquels le patient lettré pouvait, à sa guise, trouver des renseignements utiles à la conduite de son quotidien. Nous profiterons également des conseils rassemblés dans les traités de pestes[2], ouvrages très en vogue à cette époque. Rédigés en latin ou en vernaculaire par maints médecins, chirurgiens, barbiers et apothicaires, ces textes enseignaient les théories sur cette maladie « divine ou astrale »[3] et étaient prompts à offrir aux populations instruites les clefs d’une vie saine et vertueuse.

1. Règles de santé : théorie

Les recommandations médicales que nous allons évoquer ici ne peuvent être pleinement appréciées sans une certaine intelligence des fondements et théories sur lesquels elles s’appuient. C’est pourquoi, avant d’analyser le corpus de textes envisagé, nous voudrions rappeler brièvement que dans l’ancienne médecine, le corps humain, telle une amphore, porte en lui le mélange des quatre fluides (humores) que sont le sang (humide et chaud), le phlegme ou pituite (froid et humide), la bile jaune (chaude et sèche) et la bile noire (sèche et froide). La domination de l’une de ces humeurs détermine la complexion individuelle (sanguine, phlegmatique, colérique, mélancolique) et commande l’ensemble des règles individuelles à suivre, ou « genre de vie » (diaíta)[4], qui conviennent à l’expression équilibrée de son tempérament. Cette notion d’équilibre des humeurs et d’harmonie entre toute les parties joue dans la théorie quaternaire un rôle cardinal et il ne fait aucun doute pour la médecine ancienne que le sanguin (humide et chaud), le phlegmatique (froid et humide), le colérique (chaud et sec) et le mélancolique (sec et froid) doivent constamment veiller à ne rien bouleverser de « ceste belle harmonie, symmetrie et proportion naturelle qui reside aux humeurs elementaires dont il est composé[5] ».

Bâti selon « la regle de Polyclet[6] », le corps humain peut ainsi jouir à la naissance d’une santé idéale mais que seul un régime adéquat permet de maintenir dans un état de perfection. Les dérèglements qu’Anciens et Modernes n’ont pas manqué d’observer étaient pour eux le fruit de l’action de facteurs internes aussi bien qu’externes. S’agissant des derniers, on soulignait dès l’Antiquité l’influence de l’air ambiant (vents), celle du milieu (climats, distance à la mer, forme du terrain), de l’alimentation, du sommeil, de l’exercice physique, de certaines fonctions qualifiées aujourd’hui de simplement physiologiques comme la miction et la défécation, ou encore des accidents de l’âme que sont les passions[7], toutes choses que le galénisme européen a canonisé pour longtemps sous le vocable des six choses non-naturelles (sex res non naturales)[8], définissant ainsi les six domaines de l’hygiène suivants, selon lesquels sont précisément articulés les régimes de santé auxquels nous ferons référence : la nourriture et la boisson, le sommeil et l’éveil, l’évacuation et la réplétion, l’air et le milieu, le mouvement et le repos, les passions et les émotions. Ce sont des facteurs intrinsèquement neutres mais dont la régulation savante permet de maintenir en bon ordre les six choses naturelles (sex res naturales), dont font notamment partie les humeurs et les tempéraments. Pour finir, le non-respect des préceptes qu’exigent les six choses non-naturelles, entraînera l’apparition des choses contre nature (res contra naturam) que sont les maladies, leurs causes et leurs symptômes.

2. Règles de santé : pratique

Ce bref rappel portant sur le savoir médical ancien nous a paru nécessaire pour mettre en exergue la gageure que représente la mise en pratique de ces régimes de santé, tout un art en vérité, et cela en l’absence de tout fléau infectieux. Si conserver une santé parfaite relevait déjà d’un laborieux apprentissage et d’une discipline de fer dans les périodes les plus favorables et prospères, car comme le dit Joseph Du Chesne (1544-1609) dans son Pourtraict de la santé « il n’y a pas aussi moins de peine, travail, et difficulté, de maintenir de son entier, la santé de notre corps : la conservation de laquelle depend d’une bonne harmonie et proportion, d’un bon accord et symbole, qui doit estre entre les parties et le tout : et entre toutes les facultez, fonctions et operations qui en dependent »[9] – la maintenir dans les temps troublés des guerres, des catastrophes et des épidémies devenait alors un véritable défi. Le lecteur moderne qui découvre cette littérature médicale est généralement surpris par la nature prosaïque des conseils donnés par les auteurs, par les détails sur lesquels s’attardent certains d’entre eux, par les longs développements présentant ce qui est bon, ce qui ne l’est pas, ce qui doit être fait, de quelle manière et pourquoi. Outre qu’il s’agit surtout d’un enjeu de savoir et de prestige pour ces médecins à qui rien ne peut être étranger, qui doivent apparaître comme de véritables puits de science jusque dans les aspects les plus triviaux de l’existence, leurs régimes de santé n’en sont pas moins de véritables manuels d’hygiène pratique particulièrement éclairant sur la pensée et la culture matérielle des XVIe et XVIIe siècles. Il reste que leur foisonnement s’avère souvent déroutant, parfois contradictoire, raison pour laquelle nous retiendrons avant tout l’importance du principe méthodologique du « juste milieu », écho de l’aristotélisme, dans la pensée galénique qui condamnait tout excès dans les circonstances normales de la vie humaine. Ce principe fondateur, éloge de la médiocrité, prend à l’ombre des calamités une plus grande ampleur encore et se trouvera constamment rappelé tout au long des passages qui traitent de la nourriture, des exercices, de l’évacuation et des passions de l’âme.

2.1. Du manger et du boire

La nourriture, fort présente dans les régimes de santé au titre des choses non-naturelles, occupe une place tout aussi importante dans les prescriptions prophylactiques des traités de peste. On y apprendra quoi manger, en quelles quantités, dans quelles circonstances et les bénéfices que l’on peut tirer d’une alimentation raisonnée.

En premier lieu, comme nous l’avons annoncé, nous y trouverons des invitations à la tempérance. En effet, les indications telles qu’« il faut bien eviter l’exces »[10], « on se leva de table avec appetit »[11] ou « on se trouve mieux de s’oster de table avec quelque peu d’appetit »[12] apparaissent systématiquement dans les chapitres sur la nourriture. S’ils recommandent tous la frugalité de la table, les médecins blâment en revanche toute abstinence qui pourrait à tort être jugée vertueuse. Ils remarquent qu’« un homme à jeun est plus apte d’estre pris de la peste qu’un qui aura mangé, non pas à satieté, mais mediocrement »[13]. L’explication de cette recommandation est assez simple. Le fait d’avoir mangé chasse, selon les médecins, tout « poison et venenosité »[14] ; ainsi, « du manger et boire se peuvent porter par toutes les porositez du corps des vapeurs qui les emplissans occuperont les vacuitez que l’air pestilent prendroit »[15].

En second lieu, il convient d’être attentif aux qualités supposées de la nourriture et des boissons recommandées et de veiller à respecter leur nature. Si la peste privilégie le chaud et l’humide, il est alors, conformément à la règle contraria contrariis, fortement conseillé d’avantager les qualités opposées que sont le froid et le sec. Nous lisons que

quant est du boire et du manger, il doit tendre à mesme qualité, que l’air, et s’opposer aux causes de la putrefaction pestilente (chaud et humide). Parquoy faut que tout le regime tende aux qualités contraires, froide et seche, mais tousjours rememorant les circonstances predictes, du temps, de la saison, du païs, du temperment, voire et de la coustume, aage, et habitude de chacun[16].

Voyons alors ce que peut être un régime « desicatif »[17] destiné à « desecher nos corps humides, et abondans en humeurs superflus »[18]. D’une manière générale, au déjeuner, repas central de la journée, il « se faut nourrir de bonnes viandes [ce terme désigne ici tout aliment – MK] et aisées à digerer »[19] et éviter « la grande variété de viandes, et celles qui sont fort chaudes, et humides, et principalement celles qui se corrompent aisément[20] » ; un seul mets doit bien suffire, insiste-t-on, « la diversité de viandes en un mesme repas n’est pas bonne »[21]. Nicolas Abraham de La Framboisière (1560-1636) propose encore « de desjeuner auparavant que sortir du logis, principalement de prendre du vin, lequel a grande vertu contre le mauvais air »[22]. Ambroise Paré (1510-1590) conseille, avant tout, la consommation de « pain et beurre fraiz salé »[23] ; de plus, il faut que ce pain « soit de bon grain, non eschauffé, ny aucunement gasté, qu’il soit quelque peu salé, mediocrement levé, cuict d’un jour ou deux, en lieu non suspect de mauvais air »[24]. Paré propose encore de manger « quelque carbonade »[25] [préparation consistant à faire griller de la viande sur des charbons MK], repas plus substantiel et riche en chaleur mais qui n’alourdit pas l’estomac. En bref, il convient « que les viandes soyent de bon suc, et faciles à digérer : car les bons aliments pris avec une mediocrité en temps et lieu engendrent bonnes humeurs, qui sont cause de santé » [26].

Il est important de souligner également que la diététique ancienne personnalisait les recommandations alimentaires selon le tempérament des individus (sanguin, colérique, mélancolique, phlegmatique), leur âge, leur sexe ainsi que leur profession ou leur condition. Ambroise Paré, à nouveau, nous en donne un excellent exemple :

Les rustiques et gens de travail pourront manger quelque gosse d’aulx, ou eschalottes, avec du pain et beurre, et bon vins, s’ils s’en peuvent fournir, afin de charmer la broüée, puis s’en yront à leur œuvre, en laquelle Dieu les aura appellez. Les aulx sont souverains aux rustiques et aux villageois, et à ceux ausquels il n’engendrent point de douleur de teste, et ne les eschauffent par trop, à raison que le temperament de ceux la est plus / robuste, et leur sang moins aisé à s’enflammer : au contraire ils nuisent aux delicats, comme femmes, enfans et choleriques, et à ceux qui vivent en oysiveté, et qui ont le sang aisé à s’enflammer : partant à iceux les aulx seroyent poison au lieu qu’ils sont medecine aux rustiques[27].

Nous aurions tort cependant de voir dans ces régimes en temps de peste de sévères restrictions et de confondre sobriété et austérité. Les menus proposés par nos médecins autorisent en effet encore bien des plaisirs et si la diversité des viandes est proscrite au cours d’un même repas, qu’à cela ne tienne, on en variera tout au long de la semaine ; on trouvera donc à la carte toutes sortes de viandes, bien animales cette fois, de la « chair de jeunes moutons, de veaux, chevreaux, laperaux de garenne, poulletz, hetoudeaux [jeune chapon engraissé – MK], chappons, perdreaux, et de tous oyseaux sauvages, excepté ceux qui vivent en eaues »[28]. On les trouvera souvent accompagnées de légumes et d’épices, c’est ainsi que « le veau, le mouton, les chapons, les poullets sont bons boüllis avec ozeille, ci-/chorée, endive, soulcy, buglose, bourache, verjus, et un peu de saffran »[29] tandis que « les perdix, pigeons, alouettes, lévraux, lapereaux, et semblables sont bons rostis, avec saulce de vinaigres simple ou rosat, verjus, jus d’ozeille, de citron, ou d’oranges »[30]. Le régime privilégie également la viande de poisson qui lorsqu’il est « nourry en belle eau courante, sablonneuse ou pierreuse, rosti ou boüilly avec saulce de vinaigre, verjus, jus de citron ou d’oranges, n’est point mauvais à ceux qui l’ayment »[31]. On déconseille la chair de poisson « veille tuée »[32] et le poisson « trop gardé, ou nourry en eau limoneuse »[33].

Après s’être délecté de viandes, il était tout à fait autorisé de varier son menu par la consommation de quelques fruits. Parmi ces derniers, on prescrivait « les pruneaux bien cuitz et succrez, les prunes de Damas bien meures, et les cerises en leur saison, prinses en petite quantité à l’entrée du repas »[34]. On ne dédaignait pas non plus « les pommes de Capendu [de court-pendu et rouges – MK], et les bonnes poires cuites, assaisonnées avec sucre et poudre de canelle, ou anis confit, à l’issuë de table »[35]. Certains médecins recommandaient vivement « les citrons et oranges en salades, avec rose et sucre »[36] tout en considérant que les mêmes fruits mangés sans sucre, exposant ainsi leur caractère aigret, devaient être rigoureusement proscrits[37]. L’usage était de consommer des verdures de toute sorte, « buglosse, chicorée, laictue et osille »[38] en été, « mais en hiver, saulge, persil, ache, marjolaine, et hyssope »[39].

Finalement, chaque repas était accompagné de boissons parmi lesquelles l’eau était à la portée de chacun. On remarquera l’attention particulière accordée à la qualité de cette dernière, attention redoublée « en temps pestilent »[40] comme chez Ambroise Paré qui rappelle que « si la peste provient du vice de l’air […] il ne faut user d’eaüe de pluye, pour ce que l’air dont elle provient est infecté : partant alors sera meilleur de boire de l’eaüe des puits fort profonds : au contraire si le vice vient de la terre, on usera de l’eaüe de cicterne, et de fontaine »[41]. On le voit, la question de l’eau dépasse ici celle de l’adaptation de l’alimentation aux complexions individuelles pour toucher à celle des origines de la peste[42] ou, pour le moins, à celle de sa transmission car, en effet, on conseillait par exemple d’ « attendre à en boire jusques à ce que le Soleil l’ait purifiée par ses rayons : et si on craint qu’elle soit vitiée, on la corrigera, la faisant un peu bouillir, ou la ferra avec acier, ou or, ou argent chaud, ou par mie de pain rostie ou non rostie[43] » ; il va de soi que « l’eau de marets, trouble ou infecte, ne vaut rien, ny à boire, ny à faire le pain »[44].

Les hommes plus aisés pouvaient se permettre le vin quoique, souvenons-nous-en, il « ne faut […] n’yvrongner, ou se trop saouler »[45]. Cependant, comme l’enseigne Nicolas Abraham de La Framboisière, « le bon vin et les bonnes viandes prinses moderément, engendrent bonnes humeurs, lesquels ne reçoivent pas facilement la contagion[46] », et, précise-t-il encore :

Le meilleur boire en ceste affaire, est vin cleret bien purifié d’entre deux aages trempé avec bonne eauë de fontaine. Le vin blanc françois bien net et cler, non pas gros et fumeux est tres bon. Vin bastard muscadet, rosette, et generalement tous vins doux et pesans ne vallent rien en tel temps, car ilz font obstuctions[47].

Afin de varier les boissons, on suggère également de consommer la « ptisane » ou « eauë d’orge succrée »[48], surtout quand on a soif « en y mettant parmy quelque peu de jus ou sirop de citrons »[49]. On recommande encore vivement « le vinaigre […] fort salubre en temps de peste, auquel on peut adjouster canelle, cloux de giroffle, eau rose, et autres choses semblables »[50]. Sur la liste des boissons, la bière engendrant, « comme dict Dioscoride, gros et mauvais humeurs »[51] est proscrite[52].

2.2. Du mouvement et du repos

Déjà, Hérodicos de Sélymbrie (entre 460/450 et 390/380 av. J.-C.), l’un des grands sophistes qui a passé dans l’histoire de la médecine pour le fondateur de l’art diététique[53], disait que les maladies provenaient d’une manière de vivre contraire à la nature de l’individu et avançait que le régime naturel devait embrasser un régime alimentaire approprié ainsi que des exercices physiques (courses, lutte, bains, etc.)[54]. Chez nos auteurs, cette hygiène du corps demeure essentielle pour se garder de la pestilence autant qu’elle est un moyen pour Nicolas Houel (1524-1587), apothicaire et herboriste de Paris, de regretter la langueur des Modernes : « Les Anciens estoient trop plus studieux à conserver leur bonne santé que nous ne sommes à present, par bons et honestes exercices »[55]. Parmi ces « honestes exercices », il énumère la lutte, la course, le jet de la barre et de la pierre ou encore l’équitation, « chose fort utile pour fortifier les vertus de l’homme »[56]. Son contemporain Nicolas de Nancel (1539-1610), médecin et humaniste français, paraît plus accort avec sa patientèle en lui proposant des activités mieux adaptées à ses mœurs et son rang comme les promenades « à pieds, à chaval, en coche, chariot, carrosse, littiere »[57] ou encore la chasse pour « ceux qui l’ont accoustumée, et qui ont les moyens »[58].

Certes, tout mouvement est fort recommandé par les esculapes, mais « moyennant qu’il n’y ait nul exces, car celuy qui s’exerce avec violence, comme à courir, lucter, à jouer à la paulme ou à la balle et choses semblables, necessairement altere sa respiration dont il est contrainct par la frequence d’icelle attirer plus d’aër circumflux, qui est chose tres dangereuse en telle constitution ou disposition de temps »[59]. Nicolas Houel défend donc « de trop dancer, saulter, et de tous mouvemens, esquelx il est besoin de souvent reprendre son aleine »[60]. Ici comme dans le cas de l’eau, il ne s’agit pas tant de respiration que de salubrité de l’air. La corruption du milieu, de l’air ambiant, est considéré depuis fort longtemps comme le plus important agent de transmission des épidémies. Hippocrate n’a-t-il pas fondé une partie de sa réputation en chassant la peste d’Athènes au moyen de feux destinés à purifier le mauvais air ? Les considérations sur l’altération de l’air abondent dans les traités de peste et la prophylaxie, traitant par exemple de l’aération des logis, peut aller jusqu’à régler l’ouverture et la fermeture des fenêtres[61]. C’est donc avec beaucoup de bon sens qu’on aura pu écrire qu’« il est pernicieux de tirer beaucoup d’air en respirant quand iceluy est corrumpu »[62]. Une gymnastique élémentaire étant toujours nécessaire, Nicolas de Nancel trouve meilleur, quand les temps ne sont pas sûrs, « de jouer d’un pelotte ou balle dedans une grande salle, ou une court, ou plaine bien unie […] »[63]. Il suggère également des promenades qui se feront « lentement et longuement »[64], dans « un lieu saint et net, hors et loing de toute infection et immondice ; voire et de trouppe, et de multitude de populaire »[65]. Nicolas Abraham de La Framboisière professe pour sa part qu’ « il est expedient de prendre exercice moderé au matin et au vespre avant le repas, en lieu non suspect de mauvais air. Car l’exercice mediocre resveille la chaleur naturelle, et fortifie tellement les membres, que les fonctions naturelles, vitales et animales en sont renduës plus vigoreuses »[66]. Pendant toute activité, « il faut bien donner garde de s’eschauffer excessivement en s’exerçant »[67] et surtout « desister quand la sueur poingt »[68]. Là, il convient de bien s’éponger et « de retirer en la maison, tandis que les pores se resserreront mediocrement, et que le sang, esprits et humeurs se ressierront »[69]. En bref, « l’exercice excite et corrobore la chaleur naturelle, subtilise et rejette les excrements du corps, fortifie les membres, et joincures, et fait faire digestion, et provocque l’appetit »[70].

Si les grands et excessifs mouvements sont déconseillés, et plus encore en temps de peste, il apparaîtra logiquement inutile en retour de consacrer trop de temps au repos (veille, sommeil)[71]. Les médecins parlent communément des conséquences déplorables issues d’un sommeil trop long ou d’un sommeil profond, mais ils avertissent également que chaque sommeil, même parfait « nous oste la moitié de nostre aage »[72]. Un sommeil trop long, par exemple, a des effets négatifs car, selon un auteur anonyme, il « aggrave les vertus motives, et assourdist et hebete les vertus senstitives »[73]. De plus, il « faict perdre l’appetit, il appe­rsantist la teste, finablement il prepare aux froides maladies, et catherres »[74]. Quant au sommeil profond, il peut entraîner un refroidissement exagéré du cerveau. Jérôme de Monteux (1496-1560) précise que « le beaucoup de dormir appesantist la teste, à raison que la matiere et vapeurs eslevées au cerveau, ne se peuvent soudain exhaller, obstant l’astriction causée par le sommeil »[75]. En outre, ce même sommeil « rend les enfans hebetez, et d’esprit grossier »[76]. En temps de peste, le sommeil excessif échauffe les esprits et cause, selon Ambroise Paré, « la fièvre ephemère, de la quelle provient la pestilentiele »[77]. Afin de se maintenir en bonne santé, il convient donc de dormir de nuit, à distance du dîner et dans une chambre « bien nette, bien close et fermée, de laquelle aussi l’aêr soit bien purifié par quelque bon parfum »[78].

2.3. Bannir l’acte vénérien et vivre « sans se melancholier »

L’acte vénérien appartenait dans l’ancienne médecine au domaine de l’évacuation des humeurs superflues, ou superfluités, par lesquelles on comptait les excréments[79], le sperme, le sang mensuel, l’urine et les sueurs. Le sperme, et par conséquent les activités qui l’accompagnent, faisait donc l’objet d’une savante administration fixant les conditions, la fréquence de son évacuation et les moments de la journée qui conviennent le mieux à l’union sexuelle[80].

Si, comme nous l’avons avancé dès le début de notre propos, la médiocrité régnait dans l’art de manger, dans celui de modérer le mouvement de son corps et dans celui de veiller sur la longueur de son sommeil, elle était également louée dans le « jeu de Venus ». Or, en la matière les prescriptions ne sont pas toujours aisées à suivre, qu’elles se heurtent soit aux mœurs de chacun, soit à la complexe économie du couple. D’un côté, rappelle Nicolas de Nancel, ceux « qui trop s’abstiennent en cet endroit, outre leur coustume, deviennent pesants, gourds, tristes, aiants mal de teste, et de cœur, perdants l’appetit »[81]. De l’autre, ceux qui abusaient de l’exercice de Vénus, admoneste Ambroise Paré, souffrent de quelques graves incommodités, « les forces et vertuz sont diminuées, et les esprits se resolvent et affoiblissent, principalement tost apres les repas »[82]. C’est pourquoi Nicolas Abraham de La Framboisière propose « d’entrer en sa joüissance » après la première digestion[83] tout en sachant que l’abus de l’amour « debilite l’estomac, et par ce moyen se fait crudité, de laquelle procede corruption, et autrez infiniz accidents »[84]. Nicolas Houel, ajoute que l’acte sexuel « rend toute nature languide, dissoulte et lasche de toutes ses vertus »[85]. Un tel affaiblissement du corps ne saurait être souhaité quand l’épidémie gronde, de sorte que les médecins concluent à l’unisson que « Dame Venus est une vraye peste, si on n’en use avec discretion »[86].

Après les soins dédiés au corps, il nous reste enfin à traiter de ceux destinés à l’âme. Nicolas de Nancel affirme que les passions et perturbations de l’esprit sont « tousjours dangereuses », vérité morale admise de tout un chacun à l’époque, car elles « troublent les ames, mesmes leurs organes et subjets, qui sont les esprits animals, le sang et les humeurs »[87]. Peu après, il nuance son jugement en précisant quelles affections causent les plus grands dégâts : « Toutesfois en telle saison pestilente, [elles] sont d’autant plus dommageables, qu’il est plus notoire par experience, que la frayeur et grande apprehension en a fait mourir plusieurs »[88]. Après la crainte d’être frappé, de ne pas survivre à la calamité de la peste, vient la colère, « mouvement qui, outre les offences du corps, brutalise l’homme, le depossede de sa raison, luy donnant le sentiment pour guide, qui esgare ses actions dans le trouble des inclinations naturelles et luy oste la conoissance »[89]. Il faut donc tout faire, prévient Ambroise Paré, pour « éviter de se courroucer grandement ; car par la cholere il se fait grande ebullition du sang et des esprits et dilatation des ouvertures et conduits, et par ce moyen l’air pestilent en tel cas engendre promptement la fièvre pestilente, ce qu’on a veu advenir souvent »[90]. Pour apaiser les nerfs, Nicolas Houel conseille d’abord de « passer le temps a quelque chose joyeuse. Comme deviser, jouer, ouyr instrumens musicaux, lire choses honnestes et facecieuses »[91]. Nicolas Abraham de La Framboisière invite ensuite à « vivre joyeusement, et se recréer honnestement chacun selon son estat, sans se melancholier, sans se courroucer, sans aucunement se passionner, et sur tout sans avoir craite ny apprehension de la peste, et ne se point tourmenter l’esprit à profondes meditations, ny a fortes imaginations »[92].

*

Dans notre article, nous avons souhaité présenter les principes et recommandations en matière d’hygiène individuelle dans l’Europe des XVIe et XVIIe siècles afin d’éclaircir certains éléments fondamentaux de la pensée médicale de cette époque. Ces fondements sont héritiers d’une longue tradition remontant à l’antiquité grecque, plus particulièrement à Galien, et le contexte dans lequel nous avons désiré les illustrer, celui des épidémies de peste, nous a paru opportun pour en souligner la portée et, au-delà, pour en juger la survivance dans la culture occidentale contemporaine.

En premier lieu, la théorie des humeurs, clef de voûte de cette tradition, a donné naissance à une singulière classification de toutes les choses qui composent le quotidien, selon qu’elles assèchent le corps, échauffent l’esprit, les humidifient ou les refroidissent. Il en va de tout ce qui se mange, se boit, s’exerce, s’éprouve et en exagérant un peu, se pense. Ainsi se composent les régimes de santé : d’une multitude de prescriptions personnalisables fondées sur le socle théorique quaternaire déclinable à volonté. En second lieu, le lointain principe aristotélicien du « juste milieu », principe éthique issu d’un rapport empirique au monde, à la physique et à la biologie, a conduit des générations de médecins à placer la vertu et la perfection dans cette prudence qu’est la médiété. Ainsi naquit la définition de la santé : un équilibre qui tient à distance le défaut et l’excès.

Le contexte épidémique conduit certes les auteurs de régimes de santé et de traités de peste à opérer une sélection plus drastique dans leurs conseils d’hygiène mais c’est surtout à une plus stricte observance des principes élémentaires qu’ils appellent. Nous constatons qu’il s’agit surtout de ne pas rendre le corps plus sensible à la maladie qu’il ne l’est déjà naturellement.

Fort heureusement pour notre curiosité, le catalogue prophylactique de cette jeune modernité ne se limite pas au respect des six choses non-naturelles. L’honnête famille peut encore assainir son logis par des fumigations, capturer des arômes purifiants dans des pommes de senteur pour les porter en bijoux à la ceinture ou en pendentif, au côté d’une ésotérique amulette qui « chasse le venin de la peste »[93], tel « le vif argent que quelques uns enferment dans une coquille de noisette laquelle puis apres se pend au col et se met sur la region du cœur, pour empescher qu’il ne soit affailli de peste »[94] ; pensons enfin, sans vouloir être exhaustif, au sentiment sécurisant que procure le port de pierres précieuses comme « les rubis, grenats, saphirs, hiacinthes, agathes et autres »[95].

L’ensemble des informations conservées dans cette littérature médicale des XVIe et XVIIe siècles, cette science d’avant la science, peut paraître témoigner d’une forme d’impuissance devant le mystère infectieux et relever en partie d’une forme de pensée magique, mais outre que l’ancienne médecine a su produire un système complexe admirablement cohérent, la plupart des recommandations prophylactiques pourrait trouver une place aujourd’hui dans ce qu’il est convenu d’appeler une politique de santé publique. Quant à la personnalisation des soins, de l’alimentation, des exercices, nous pouvons avancer avec certitude qu’elle est digne des offres des spas actuels les plus renommés, avec diététicien et coach personnels. Reste une question : les populations instruites de cette vieille Europe suivaient-elles véritablement ces recommandations médicales ? Question difficile si l’on considère qu’il serait déjà délicat d’y répondre pour le temps présent. Il est certain néanmoins que cette vieille médecine offrait un rapport à la santé et à la maladie bien plus holistique que ce que nous connaissons aujourd’hui ; une doctrine unique, sans concurrence, proposant un régime de vivre plus que de santé et d’innombrables solutions pour tout et en toute circonstance. S’agissant ici de circonstances particulières, rappelons enfin que, si l’on parle de la Grande Peste de 1348, c’est qu’il y en eu d’innombrables « petites » avant et dans les siècles qui suivirent. Le phénomène ne doit pas être tout à fait compris comme une succession de grandes crises ponctuelles mais davantage comme un fond épidémique diffus, si présent qu’il en devint culturel, tout comme la science médicale qui, probablement, s’est répandue à divers degrés dans toutes les couches de la population.



*Formée à la fois aux lettres classiques et aux littératures françaises et italiennes, Magdalena Koźluk, maîtresse de conférences HDR à l’Université de Łódź, s’intéresse aux usages de la rhétorique classique et à certains types de discours – notamment le discours médical – à la Renaissance, ainsi qu’à l’humanisme comme mode de transmission et de représentation de l’Antiquité. Outre une cinquantaine d’articles, elle a publié L’Esculape et son art à la Renaissance. Le discours préfaciel dans les ouvrages français de médecine (1528-1628) (Classiques Garnier, 2012) et L’Art de vivre longuement sous le nom de Médée de Pierre Jacquelot (Classiques Garnier, 2021). Dans ses travaux, elle aborde la problématique du discours médical sous l’angle de l’histoire de la rhétorique, de la pensée et de l’écriture médicales comme sous celui de l’art emblématique. Elle travaille également sur la bibliographie matérielle et historique concernant les ouvrages médicaux du XVIe et du début du XVIIe siècle, e-mail: magdalena.kozluk@uni.lodz.pl, ORCID: https://orcid.org/0000-0001-7775-3594


Bibliographie

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Sources secondaires

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Notes de bas de page

  1. P. G. Sotres, « Les Régimes de santé », in Histoire de la pensée médicale en Occident, t. 1, Antiquité et Moyen Âge, éd. M. D. Grmek, Paris 1995, p. 257-281 ; M. Nicoud, « Diététique et saisons », in Le Temps qu’il fait au Moyen Âge. Phénomènes atmosphériques dans la littérature, la pensée scientifique et religieuse, éd. Joëlle Ducos, Claude Thomasset, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1998, p. 59-68 ; M. Nicoud, « Savoirs et pratiques diététiques au Moyen Âge », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 2006, no 13 spécial, p. 239-247 ; M. Nicoud, Les Régimes de santé au Moyen Âge. Naissance et diffusion d’une écriture médicale (XIIIe-XIVe siècle), Rome, École Française de Rome, 2007, t. 1 ; M. Koźluk, « Pierre Jacquelot, L’Art de vivre longuement sous le nom de Médée ». Édition critique par M. Koźluk, Paris 2021, p. 15-61.
  2. Voir les textes recensés par V. Montagne, Médecine et rhétorique à la Renaissance. Le cas du traité de peste en langue vernaculaire, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 31-35.
  3. P.-J. Fabre, Traicté de la peste selon la doctrine des médecins spagyriques, Toulouse, Raimond Colomiez, 1629, p. 27.
  4. Sur la notion de diète, voir E. M. Craik, “Diet, Diaíta and Dietetics”, in The Greek World, éd. A. Powell, London/New York, Routledge, 1995, p. 387-402 ; L. Edelstein, “The Dietetics in Antiquity”, in Ancient Medicine: Selected Papers of Ludwig Edelstein, éd. O. Temkin, C. L. Temkin, Baltimore/London, The Johns Hopkins University, 1987, p. 303-316. I. Mazzini, « L’Alimentation et la médecine dans le monde antique”, in Histoire de l’alimentation, éd. J.-L. Flandrin, M. Montanari, Paris, Fayard, 1996, p. 253-264; A. Thivel, « L’Évolution du sens de diaíta », in La Lengua científica griega: orígenes, desarrollo e influencia en las lenguas modernas europeas, éd. J. A. López Férez, Madrid, Ediciones Clásicas, 2000, vol. 1, p. 25-37.
  5. N. A. de La Framboisière, Le gouvernement propre à chacun selon sa complexion, in Le Gouvernement necessaire à chacun pour vivre longuement en santé avec le gouvernement requis en l’usage des eaux Minerales, tant pour la preservation, que pour la guerison des maladies rebelles, Paris, Charles Chastellain, 1608, fo a 2 ro.
  6. Ibid. Galien, De usu partium corporis humani, XVII, 1, t. IV, p. 352, in Claudii Galeni Opera omnia. Editionem curauit C[arl] G[ottlob] Kühn, Leipzig, in officina Car. Cnoblochii, 1821-1833, vol. 1-20.
  7. Galien, L’Âme et ses passions, Les passions et les erreurs de l’âme, Les facultés de l’âme suivent les tempéraments du corps, Introduction, traduction et notes par V. Barras, T. Birchler, A.-F. Morand. Préface de J. Starobinski, Paris, Les Belles Lettres, 1995, p. VII-LVIII. Pour une étude des passions et de leur évolution au cours du Moyen Âge, voir S. Vecchio, « Passions de l’âme et péchés capitaux, les ambiguïtés de la culture médiévale », in Laster im Mittelalter / Vices in the Middle Ages, éd. Ch. Flüeler, M. Rohde, Berlin/New York, Scrinium Friburgense, 2009, p. 45-64.
  8. P. G. Sotres, « Les Régimes de santé », op. cit., p. 260. Sur l’origine de cette notion, voir aussi L. J. Rather, “The ‘Six Things Non-Natural’: A Note on the Origins and Fate of a Doctrine and Phrase”, Clio Medica, 1968, no 3, p. 337-347 ; S. Jarcho, “Galen’s Six Non-Naturals: A Bibliographic Note and Translation”, Bulletin of The History of Medicine, 1970, no 44, p. 372-377 ; P. H. Niebyl, “The Non-Naturals”, Bulletin of the History of Medicine, 1971, no 45, p. 468-492.
  9. J. Du Chesne, Le Pourtraict de la santé, Paris, Claude Morel, 1606, fo a 2 vo.
  10. N. Houel, Traité de la peste auquel est amplement discouru de l’origine, cause, signes, preservation et curation d’icelle, Paris, pour Galiot du Pré, 1573, p. 11.
  11. A. Paré, Traité de la peste, de la petite verolle et rougeolle, Paris, André Wechel, 1568, p. 28-29.
  12. N. A. de La Framboisière, op. cit., p. 311.
  13. A. Paré, op. cit., p. 30-31. Cf. « Il n’est pas bon de jeusner, ny de trop boire ou manger », N. A. de La Framboisière, op. cit., p. 311.
  14. A. Paré, op. cit., p. 30.
  15. Ibid., p. 31.
  16. N. de Nancel, op. cit., p. 138.
  17. J. Aubert, Traité contenant les causes, la curation et preservation de la peste, Lausanne, Jean Le Preux, 1571, p. 35.
  18. Ibid.
  19. N. A. de La Framboisière, op. cit., 311.
  20. A. Paré, op. cit., p. 28. Cf. N. Houel, op. cit., p. 11 : « On usera de viande de facile digestion, et qui ne se tournent aysement en pourriture » et « fault fuyr les viandes qui peuvent engendrer humeurs gros, visqueux et vitieux en qualité […] viandes salées, grandement espissées moutarde et choses sembles qui peuvent eslever vapeurs chauldes et acres au cerveau », ibid.
  21. N. A. de La Framboisière, op. cit., p. 311.
  22. Ibid.
  23. A. Paré, op. cit., p. 32.
  24. Ibid. Cf. N. Houel, op. cit., p. 11 : « Le pain soit bon, bien levé, bien cuyt, ny trop dur ny trop tendre, mais mediocre ».
  25. A. Paré, op. cit., p. 32-33.
  26. Ibid., p. 29.
  27. Ibid., p. 32-33.
  28. N. Houel, op. cit., p. 11.
  29. N. A. de La Framboisière, op. cit., p. 311-312.
  30. Ibid., p. 312.
  31. Ibid.
  32. Ibid.
  33. Ibid.
  34. Ibid.
  35. Ibid.
  36. Ibid.
  37. Cf. N. Houel, op. cit., p. 11 : « On s’abstiendra de tous fruitz, si ne sont aigretz, comme sont grenades, citrons, limons et aultres semblables ».
  38. Ibid.
  39. Ibid. Notons également que les médecins prescrivent, à titre préventif, diverses racines qui doivent être soit mâchées, soit dissoutes dans les boissons : « Autres prennent au matin pour precotion de la racine d’enule campane, ou zeoâr, ou angelique, en les machant et tenant en la bouche : Les autres prennent de la racine de gentiane pilée, le poids d’un escu, et trempée la nuict en vin blanc, et en boivent deux doigts au matin à jeun : Les autres prennent du vin d’alyne : Autres usent de conserves de roses, de buglose, de chicorée, violettes de Mars, fenoil doux : Autres prennent de la terre sigillée, ou de la corne de cerf ratissée, le poids d’un escu dedans un œuf mollet avec peu de saffran, puis boivent de l’eau de vie, et y meslent bon vin blanc, du bol d’Armenie, racine de gentiane, tormentille, dictamne, semence de genevre, cloux de girofle, macis, canelle, saffran, et autres semblables les faisant distiller in balneo Mariae. On pourra aussi user de ceste eau cordiale, qui a tresgrande vertu », A. Paré, op. cit., p. 36.
  40. Ibid., p. 33.
  41. Ibid.
  42. Sébastien Jahan signale que « les temps chauds et humides représentent d’autant plus une menace qu’ils cumulent ce relâchement des résistances corporelles à une plus grande vivacité des vapeurs putrides. L’eau, spécialement lors qu’elle est chaude, possède les mêmes propriétés redoutables : elle aussi, en ramollissant les chairs ouvre la brèche aux infiltrations malsaines de l’air. En temps de peste, il est rigoureusement déconseillé de se baigner, et la fermeture des étuves, vouées au plaisir plus qu’à l’hygiène du corps, mêle confusément, à partir du XVe siècle, la peur de la contagion et l’amorce d’une reconquête morale », S. Jahan, Les Renaissances du corps en Occident (1450-1650), Paris/Belin, 2004, p. 268.
  43. A. Paré, op. cit., p. 33.
  44. N. A. de La Framboisière, op. cit., p. 312.
  45. A. Paré, op. cit., p. 28.
  46. N. A. de La Framboisière, op. cit., p. 312.
  47. N. Houel, op. cit., p. 12.
  48. Ibid.
  49. Ibid.
  50. N. A. de La Framboisière, op. cit., p. 312.
  51. Ibid., p. 12.
  52. Le fromage figure également au registre des interdictions bien que sa renommée en période de peste ne soit pas claire. D’un côté, les médecins le proscrivent au regard de ses qualités nuisibles (voir à ce sujet P. Camporesi, L’Office des sens. Une anthropologie baroque, tr. de l’italien par M. Bouzzher, Paris, Hachette, 1989 : « Le fromage maudit », p. 7-37) où l’auteur décrit la fermentation et la mauvaise odeur du caseus blasphematus (voir encore P. Camporesi, Les Effluves du temps jadis, tr. de l’italien par M. Aymard, avec la collaboration de François Liffran, Paris, Plon, 1995 : « Les routes du fromage », p. 59-80). De l’autre, Jacques Aubert, parmi d’autres, note que le fromage « tres-vieil, et quasi pourry pris au matin a jeun » peut avoir « une vertu singulière pour la preservation, et ce a cause de sa vertu terrestre et desiccative », J. Aubert, op. cit., p. 37.
  53. Hippocrate, Du régime, texte établi et traduit par Robert Joly, Paris, Les Belles Lettres, 1967, p. XII-XIII ; cf. M. J. García Soler, « Nourriture et santé dans la médecine grecque ancienne », in Lire les territoires, éd. Y. Jean, Ch. Calenge, Tours, Presses Universitaires François-Rabelais, 2002, p. 27.
  54. Voir aussi les divers autres avantages que procure la gymnastique en temps normal : « L’exercice apporte trois singulieres commoditez à nostre corps. Car premierement par celle attrition et frottement d’une partie contre l’autre, il rend les membres plus durs, plus forts et robustes : il augmente la chaleur naturelle, et esveille avec grand’emotion tous les esprits », J. de Monteux, Commentaire de la conservation de santé et prolongation de vie, traduit du latin par Cl. Valgelas, Lyon, Jean de Tournes, 1559, p. 121-122 ; « l’exercice fortifie la chaleur naturelle, consume les superfluitez excrementeuses, dont tous nos corps abondent : empesche la plenitude, rend dispos et agile le corps : fortifie les nerfs et joinctures : maintient les pores et conduicts du corps ouverts, et fait que les vapeurs, fumées et superfluitez produictes et du sang et des esprits, qui sont les conservateurs de nostre vie, sortent dehors et s’evaporent », J. Du Chesne, op. cit, p. 290. Cf. G. Patin, Traité de la conservation de santé par un bon regime et legitime usage des choses requises pour bien et sainement vivre, Paris, Jean Jost, 1632, p. 105.
  55. N. Houel, op. cit., p. 12.
  56. Ibid., p. 12-13.
  57. N. de Nancel, op. cit., p. 136.
  58. Ibid.
  59. N. Houel, op. cit., p. 13.
  60. Ibid.
  61. Cf. M. Koźluk, « L’Aromathérapie au temps de la « peste » en France (XVIe-XVIIe siècles) », in L’art de vivre/ revivre/ survivre, Approches Littéraires, édit. M. Koźluk, A. Staroń, WUŁ, Łódź, 2022, p. 71-83.
  62. N. Houel, op. cit., p. 13.
  63. N. de Nancel, op. cit., p. 136.
  64. Ibid.
  65. Ibid.
  66. N. A. de La Framboisière, op. cit., p. 312-313.
  67. Ibid., p. 312-313.
  68. N. de Nancel, op. cit., p. 136.
  69. Ibid.
  70. Ibid., p. 137-138.
  71. Cf. N. A. de La Framboisière, op. cit., p. 313 : « Car le trop dormir engendre superfluité d’humeurs. Et le trop veiller desseche la personne, multiplie la cholere, et donne mauvaise couleur. C’est signe d’avoir assez dormy, quand on sent à son resveil la teste legere, et les sens bien esveillez ».
  72. J. de Monteux, op. cit., p. 158.
  73. Regime de vivre très utile et necessaire, contenant la propriété des herbes, fruicts, animaulx, et toutes autres choses naturelles, pour la conservation de la santé humaine, Paris, pour Vincent Norment et Jehanne Bruneau, 1566, p. 9 ro.
  74. Ibid.
  75. J. de Monteux, op. cit., p. 158.
  76. Ibid., p. 159.
  77. A. Paré, op. cit., p. 50-51.
  78. N. Houel, op. cit., p. 14-15.
  79. « On doit procurer le benefice de ventre pour le moins une fois par jour. Quand on est constipé, il est bon de prendre quelque boüillon laxatif, ou quelque autre remede par l’advis de son Médecin. Il ne faut point retenir son urine, ny autre superfluité. Il est bon le matin de bien moucher et cracher. Et si on a quelque fistule ou autre ulcere, la nettoyer »,, N. A. de La Framboisière, op. cit., p. 313.
  80. M. Marica, « Conceptions diététiques anciennes et appétits charnels : effets de la nourriture sur la sphère sexuelle », Seizième Siècle (7), Société Française d’étude du Seizième Siècle, Paris, 2011, p. 99-110.
  81. N. de Nancel, op. cit., p. 159.
  82. A. Paré, op. cit., p. 48.
  83. N. A. de La Framboisière, op. cit., p. 313.
  84. A. Paré, op. cit., p. 48.
  85. N. Houel, op. cit., p. 15-16.
  86. Ibid. Cf. aussi A. Paré, op. cit., p. 48. Précisons toutefois que cela ne veut pas dire que les médecins condamnent pour autant l’acte vénérien. Au contraire, ils rappellent que « Venus estant moderée, rend l’esprit plus gay, chasse l’ire et melancholie, met en appetit, allege la teste, le corps, les sens […] », N. de Nancel, op. cit., p. 159.
  87. N. de Nancel, op. cit., p. 153.
  88. Ibid.
  89. M. Koźluk, « Pierre Jacquelot, L’Art de vivre longuement sous le nom de Médée », op. cit., p. 409.
  90. A. Paré, op. cit., p. 50-51.
  91. N. Houel, op. cit., p. 14-15.
  92. N. A. de La Framboisière, op. cit., p. 313.
  93. F. de Courcelles, Traité de la peste clair et très utile, Sedan, au Lys Royal, 1595, p. 91.
  94. Ibid.
  95. Ibid.

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Received: 4.05.2022. Revised: 1.08.2022. Accepted: 22.12.2022.