ACTA UNIVERSITATIS LODZIENSIS
Folia Litteraria Romanica 17(1), 2022
https://doi.org/10.18778/1505-9065.17.1.19

Laure Lévêque* Orcid

Université de Toulon

Fiction (post-)apocalyptique et usages critiques de l’histoire : Malevil (1972) de Robert Merle

RÉSUMÉ

Marqué par les dérives d’un XXe siècle tombé dans les pires excès et dans l’horreur nue, Robert Merle, romancier humaniste et engagé, en vient à questionner l’humanité de l’homme. Chez cet écrivain populaire, cela passe par l’inscription dans les genres en vogue de l’anticipation ou de la dystopie où les dauphins Fa et Bi sont plus avisés que les humains (Un animal doué de raison, 1967), espèce qui ne mérite pas forcément de se perpétuer (Les hommes protégés, 1974). En 1972, avec Malevil, Merle sacrifie à la littérature post-apocalyptique et imagine qu’une catastrophe nucléaire a ramené l’homme à une condition primaire, situation qui lui sert à penser la crise politique et morale au cœur de la cité. Mais, au-delà de cette classique fonction révélatrice, l’heuristique de la crise confronte Merle aux points aveugles de son référentiel idéologique et le texte met finalement en crise jusqu’aux positions progressistes affichées par l’auteur, rabattant le roman sur les positions réactionnaires qu’un Barjavel développe dans Ravage (1943).

MOTS-CLÉS — Merle (Robert), anticipation, post-apocalyptique (fiction), dystopie, caverne (allégorie de la), histoire (sens de l’)

(Post)Apocalyptic Fiction and Critical Use of History: Malevil (1972) by Robert Merle

SUMMARY

Under the deep impression of the 20th century’s worst excesses and sheer horror, Robert Merle, an engaged, humanist novelist, comes to question the humanity of man. As a popular novelist he imprints this reaction on fashionable genres, such as science fiction and dystopia, in which dolphins Fa and Bi are more informed than the humans (An Animal Endowed with Reason/ The Day of the Dolphin 1967), a species that is not really worth perpetuating (The Protected Men/ The Virility Factor, 1974). In 1972, in Malevil, Merle veers towards post-apocalyptic fiction, imagining a nuclear catastrophe that has brought man back to a primary condition; it is a situation that allows him to conceive of the political and moral crisis at the heart of the city. Beyond this classical revealing function, though, the crisis heuristics brings Merle face to face with the blind spots of his ideological reference, so that the text eventually puts in a crisis situation the very progressive positions exhibited by the author, curbing the text to the reactionary positions of a Bajavel in Ravage/ Ashes, Ashes (1943).

KEYWORDS — Merle (Robert), science fiction, post-apocalyptic (fiction), dystopia, (allegory of the) cave, history (meaning of)


Malevil, publié par Robert Merle en 1972, s’engage sous les auspices du genre de l’anticipation avec son ouverture classique en forme de « cataclysme » qui prend ici la forme d’une catastrophe nucléaire projetée un « jour de Pâques » 1977 où « l’Histoire cesse [...], la civilisation dont elle racontait la marche a[yant] pris fin »[1]. Engageant à la fois mort et résurrection, la date est éminemment symbolique, comme l’est aussi le nom du personnage principal, Emmanuel Comte, doublement prédestiné à devenir le chef spirituel de la petite communauté de survivants que les murs de son château de Malevil ont protégée des effets de la bombe. Prenant le tournant de la littérature post-apocalyptique[2], le romancier retrouve pour sa futurologie[3] des recettes déjà largement accommodées dans une perspective souvent rétrograde quand, une fois la catastrophe advenue, son héros se fait la réflexion que « nus », « les yeux fixés avec avidité sur la viande pendue à la voûte obscure, nous n’étions pas très différents des hominiens qui avaient vécu, non loin de Malevil, dans la grotte aux mammouths des Rhumes, aux temps où l’homme émergeait à peine du primate » (104).

Autour d’Emmanuel, c’est une micro-société qui a eu la vie sauve, qui comprend la femme de peine vieillissante du domaine, la Menou, son fils simple d’esprit, trois amis d’enfance d’Emmanuel, Peyssou, Colin et Meyssonnier, et Thomas, un jeune thésard en géologie. Tous doivent leur salut à la cave où les a surpris l’explosion qui a fait office d’abri anti-atomique et les a préservés de la radioactivité qui, au dehors, a semé la mort sur le pays tout entier. Mais la cave n’est pas qu’un blockhaus, et pas non plus qu’un refuge rupestre qui ramène les rescapés au temps des cavernes, rouvrant un cycle de vie au prix de l’abolition de l’histoire que signe ce retour métaphorique à la Préhistoire : elle prend aussi des allures de caverne platonicienne, lieu emblématique de l’exercice de toute philosophie dans la coagulation de la poétique, de la politique et de l’éthique. Le rôle génétique tenu dans le roman par cette « habitation souterraine »[4] signale la portée allégorique qui lui est attachée, laquelle, comme dans l’hypotexte platonicien, engage la capacité à « faire advenir une cité bien administrée »[5]. Pour réduit que soit le cercle des survivants, la question du mode de fonctionnement de la collectivité se pose d’emblée, commandée par la logique de refondation. De ce point de vue, revenus à l’état de nature, les personnages s’entendent pour liquider la distinction mise en avant par Hobbes dans son Léviathan (1651) et récuser « le tien et le mien »[6] : « Malevil appartient à ceux qui y travaillent, c’est tout » (143).

Comme le relève Anne Wattel, l’un des enjeux de ces « véritables laboratoires romanesques » qui composent l’œuvre de Merle consiste à examiner « [c]omment passer du “je” au “nous”, de la brisure à la communauté, du singulier au pluriel ? », Merle « explor[ant] les possibles de la solidarité, de la fraternité, les modalités de l’être-avec, de l’être-ensemble » aux racines de « la démocratie dont il révèle les écueils et les chausse-trappes »[7]. Et, à cet égard, Malevil constitue bien une expérience en réduction de ce que comporte l’institution d’une société que l’épreuve rend d’autant plus impérieuse.

Écartée l’option oligarcho-ploutocratique, est actée « la collectivisation de Malevil » (144) que le désastre a laissé riche des seuls biens qui vaillent désormais : ceux de première nécessité qui tiennent à une ferme bien outillée, pourvue en matériel, en semences, en bêtes, les nouveaux Robinson se mettant à l’ouvrage pour parer à la satisfaction des besoins essentiels.

Pourtant, outre que la lecture de Max Weber ne peut laisser ignorer combien le personnage créé par Defoe est intimement tissu à l’esprit du capitalisme dont il offre une représentation allégorique sublimée, ce roman paraît singulièrement peu propre à souder une communauté dont les membres se reconnaissent par ailleurs séparément d’autres valeurs. Celles de la société de consommation que regrette la Menou dans « son moulin à café », « sa machine à laver », « son fer à repasser », « sa rôtissoire », « sa radio », « la télé » ou dans « l’auto » (145), tous désormais hors service. Celles du communisme que défend Meyssonnier.

Quant à Emmanuel, prenant à cœur le rôle de leader que lui confère son autorité sur Malevil comme sur ses camarades, il enregistre scrupuleusement l’état séparé des consciences dont il se reconnaît la charge, selon des procédés qui tiennent de la maïeutique : « Qu’est-ce qu’il y a de pire [...] qu’une société où il n’y a plus rien à consommer ? Ou qu’une société où on ne peut plus lire la presse du Parti » (145).

Cette question qui, finalement, se ramène à celle de la constitution d’un esprit civique partagé, Platon l’aborde de front dans La République. Sans y répondre encore, Emmanuel y rapporte l’acte de décès du monde d’hier, dont il tire le constat : « elle lui manquait beaucoup, à Meyssonnier, [...] la division du monde en deux camps : le socialiste et le capitaliste, [...] le premier camp luttant pour le vrai et le second, plongé dans l’erreur. L’un et l’autre détruits, Meyssonnier se retrouvait en plein désarroi » (145-146). L’une des conséquences inattendues de la catastrophe est d’avoir fait éclater la crise de l’idéologie, qui servait de boussole dans le contexte des années 1970 : « Optimiste comme un vrai militant, il avait construit sa vie sur les lendemains qui chantent. Or, ils ne chanteraient plus pour personne, c’était bien évident » (146). Dont acte pour ce « compagnon de route »[8] de toujours du PCF en panne de dépassement dialectique des contradictions.

1. Un kolkhoze chrétien

Mort le messianisme politique, Emmanuel revient aux fondamentaux en lisant à sa petite communauté avide de religion[9] la Genèse, « magnifique poème » qui « chantait la création du monde » qu’il récite « dans un monde détruit, à des hommes qui avaient tout perdu » (159) : « Et puis, la vie des tribus primitives dans la Bible n’était pas maintenant sans ressemblance avec ce que la nôtre était devenue » (159). De sa lecture édifiante, Emmanuel use comme d’une exégèse du monde nouveau, patiemment reconstruit sur ce modèle cosmogonique qui prépare la venue d’une humanité régénérée. Si ce n’est que l’hypotexte biblique réverbère si puissamment que le texte de Merle en devient simple ampliation et que le monde d’après en vient à fleurer bon le monde d’hier, recentré sur des valeurs principielles : « Curieux comme, l’argent parti, les faux besoins se sont évanouis avec lui. Comme au temps de la Bible, nous pensons en termes de nourriture, de terre, de troupeau et de conservation de la tribu » (249).

Mais, depuis la Bible, sous l’impulsion de l’ethnologie, la notion a fait l’objet d’une recharge sémantique qui pense la référence tribale[10] sous les espèces du territoire, du groupe et de la famille, du chef... et ce n’est pas exactement la terre promise du pays de Canaan que peint Malevil mais, bien plutôt, dans l’esprit de Rosny, une féroce guerre du feu, à peine réactualisée. Car ceux de Malevil ne sont pas seuls : d’autres bandes ont survécu qui se livrent une guerre acharnée. Malevil absorbe ainsi les troglodytes de l’Étang, le Jacquet, Miette et la Mémé et la réunion des deux communautés permet de se doter d’un étalon capable de saillir la jument Amarante et de perpétuer l’espèce chevaline. Et de même pour la gent bovine. La découverte de la jeune Miette, seul spécimen de femme si l’on excepte la Menou et, désormais, la vieille Falvine, qui ont toutes deux passé l’âge de procréer, suscite de semblables fantasmes, en permettant à la société de Malevil de rouvrir véritablement l’avenir. Un avenir spéculativement limité néanmoins par le fait que Merle navigue dans un chenal mental étroit bordé d’un côté par la parabole biblique et de l’autre par l’allégorie platonicienne qui lui servent de fanaux, induisant une image de la femme passablement instrumentalisée où, dans un cas comme dans l’autre, elle ne « se conçoi[t] que féconde » (249) et au service du groupe.

Après Socrate, qui défend dans La République l’idée que « si une cité doit atteindre le sommet pour son administration, les femmes y seront communes »[11], qui a tant fait débat[12], Emmanuel rouvre le dossier et pèse dans ce sens : « Miette ne doit pas être, à mon avis, la propriété exclusive de qui que ce soit » (242). Contre Thomas, qui invoque la morale, Emmanuel en appelle à la nécessité, « Miette étant la seule femme [...] en âge de procréer » (244). Mais il échoue d’abord à imposer ce « communisme » platonicien qui, outre la « propriété », « englobe [...] les femmes et les enfants »[13], manière, pour le disciple de Socrate, de réagir contre « la perversion des institutions [...] qui gangrène la cité athénienne »[14] confrontée à « une crise de l’unité »[15] et de refonder un corps civique organique que le stratège de Malevil ferait bien sienne pour fonder sa propre cité idéale.

Mais les difficultés vont véritablement commencer lorsqu’Emmanuel se heurte à un adversaire à sa mesure en la personne de Fulbert qui, s’annonçant comme un prêtre, se présente à Malevil comme l’émissaire de vingt nouveaux rescapés réfugiés à La Roque, parmi lesquels des bébés qui vont bientôt manquer de lait, sauf à ce que ceux de Malevil se montrent solidaires et cèdent une de leurs vaches. La question – d’importance quand une vache dépasse de très loin sa seule valeur marchande – sera débattue et tranchée en séance publique : « Nous sommes au complet et jamais jusqu’ici nous n’avons eu d’assemblée plénière [...]. Nous nous démocratisons » (275).

2. La démocratie directe au château

Non seulement ils se démocratisent mais ils s’acheminent vers l’exercice du pouvoir le plus démocratique qui soit : la démocratie directe, selon un schéma qui les ramène encore dans l’orbite de La République platonicienne, texte fondateur de la philosophie politique indissociable de la crise traversée par la cité de Périclès à l’issue de la guerre du Péloponnèse qui voit Athènes, défaite, passer entre les rudes mains des Trente qui lui imposent une dictature oligarchique avant que la démocratie revenue ne condamne Socrate à boire la ciguë. Produite quelque dix ans après l’événement, la réflexion de Platon procède de ce scandale qui éclabousse le régime démocratique et instille la violence au cœur de la politeia, nouant indissolublement la démocratie avec son revers. Longtemps réduit à une apologie de la « cité idéale » identifiée à la démocratie athénienne, le texte de La République est donc sensiblement plus dialectique et Platon lui-même moins manichéen que la statue qu’en ont dressé les historiens de la pensée politique. Et, en cela, il est conforme à son objet, dont on peut suivre les rebonds et les recompositions de crise en crise.

Référent obligé pour toute philosophie du social et du politique, c’est un Platon relu à l’aune du XXe siècle que celui qui se diffuse dans Malevil et colore l’imaginaire politique d’Emmanuel. Un Platon relu par Hannah Arendt[16] et, en amont, par « les décennies 1930 et 1940 »[17]. Alors, « le centre de gravité du corpus platonicien se déplace : l’accent ne porte plus sur les textes épistémologiques ou gnoséologiques du philosophe athénien mais sur ses textes politiques. Le Platon métaphysicien et théoricien des Idées fut celui d’un humanisme désincarné et d’une Aufklärung au rationalisme hypertrophié. Il cède le pas au Platon politique, penseur de la cité idéale et de la régénération de la communauté »[18]. Jusqu’à connaître une récupération qu’on n’aurait pas forcément attendue sous le Troisième Reich à qui il sert « à la fois de caution intellectuelle et d’anticipation politique » et qui en fait son « philosophe officiel »[19], fort d’une morale de l’action et de la fusion de l’individu dans l’unité supérieure de la masse.

C’est de cette relecture anti-humaniste de l’auteur de La République et de ses thèses, fortement instrumentalisée par les idéologues du Reich et sa traversée de la tourmente allemande qu’hérite Merle comme en avait hérité avant lui Hannah Arendt, très sévère pour le philosophe athénien dont, marchant sur les traces de Karl Popper[20], elle fait, en réaction contre les doctrinaires du national-socialisme, « un penseur dogmatique, tyrannique, voire totalitaire »[21]. Et de cette réception éminemment polarisée, le roman se souvient visiblement au point que l’on peut risquer l’hypothèse que l’étrange et inquiétant Platon qui sert de boussole à Emmanuel n’est pas pour rien dans ce glissement idéologique marqué vers la droite à la fois traditionnaliste et totalitaire qu’on n’aurait pas forcément attendu de Robert Merle mais que commandaient les deux modèles générateurs qui informent son propre texte que sont la Bible et ce Platon repeint aux couleurs du national-socialisme.

Ainsi, au moment même où Malevil affiche sa volonté de se gouverner suivant les principes de la démocratie directe et comme se profile, avec La Roque comme déjà avec L’Étang, le risque que ces « cités » rivales n’en viennent à se faire la guerre, c’est un Emmanuel qui connaît à la fois les subtilités du Logos et la portée performative du Verbe qui assiste à ce conseil plénier. Emmanuel y formule sa doctrine sociale, qui combine les bienfaits protectionnistes du communisme à l’intérieur et, hors les murs, l’exercice plein et sans pitié des lois du marché : « il faut leur faire payer la vache. Et cher ! Vu qu’on est pas vendeur. C’est eux qui désirent acheter » (281). Rendu maître de l’échange par l’asymétrie de la situation, Emmanuel estime la contrepartie à « deux chevaux, trois fusils » et des munitions (281). Si, dans ce Nouveau monde qui recommence, l’avantage décisif que confère la puissance de feu entre groupes inégalement développés est immédiatement perçu par l’auditoire, la question chevaline l’interroge. Pourquoi deux nouvelles bêtes quand, déjà, on possède Malabar, Amarante, Bel Amour et Malice ? Parce que le cheval n’est pas qu’un auxiliaire qui prête sa force à l’homme dans les travaux des champs mais indice de civilisation, d’une civilisation qu’ont illustrée tant les peuples turco-mongols que ceux d’Asie centrale ou les Comanches.

Si la reconstruction de sociétés humaines qu’explore le roman n’implique pas de redécouvrir des inventions décisives dans l’histoire de l’humanité comme la domestication du cheval ou la mise au point d’armes à feu, elle repose sur leur maîtrise et, dans la mesure où ces inventions correspondent à des tournants bien identifiables dans l’histoire du développement, elle borne un horizon à la fois temporel et idéologique qui s’affiche rétrograde et anti-progressiste. L’illustre la diatribe d’Emmanuel contre la mécanisation : « Le pauvre type défini comme l’homme sans cheval. Exactement comme il était défini avant le jour de l’événement comme le cultivateur sans tracteur. Ah, cette folie du tracteur dans notre coin ! Un tracteur pour des propriétés de dix hectares, et même deux ! » (282)

Mais, au-delà de la démonstration de l’autorité d’Emmanuel, la transaction met aussi en évidence les deux modes de gestion de la communauté qui prévalent à Malevil – la « commune », où la voix de la majorité l’emporte – et à La Roque – la « paroisse », où Fulbert décide seul pour « ses ouailles » (320). D’un côté des citoyens actifs, de l’autre, des fidèles embrigadés qu’il ne gouverne que par la terreur. Se découvrant des alliés contre sa tyrannie, Emmanuel parvient à soustraire deux jeunes filles aux Roquais : Catie, la sœur de Miette, et Evelyne, rééditant sans le dire, et sous couvert de geste humanitaire, l’opération déjà réussie avec les poulinières. Désormais convaincu qu’il n’a rien à craindre de ce « [p]etit bourg malheureux, affamé et désuni, dont les chances de survie sont médiocres » (380), Emmanuel peut aider les habitants dont il plaint le manque de discernement, qui les a jetés dans les bras du tyran. C’est ainsi qu’il brocarde Armand, à qui il a brocanté sa chevalière contre des selles de chevaux :

Quel idiot cet Armand ! Autant lui donner un caillou ! Comme si l’or, deux mois après le jour de l’événement, avait de la valeur ! On n’en est plus là, ou si l’on préfère, on n’en est pas encore là. Nous avons régressé à un stade beaucoup plus primitif que le métal précieux : au troc. L’âge des bijoux et de la monnaie est loin, très loin encore devant nous : nos petits-fils le connaîtront peut-être. Pas nous (381).

Emmanuel n’a pas seulement profité de la méconnaissance qu’a Armand de la théorie de la valeur, d’échange ou d’usage, il s’est posé en maître des horloges, réécrivant l’histoire dans un sens pré- plus qu’anti-capitaliste. Entre la république autoritaire à la Platon, le modèle médiéval de la commune ou celui de sociétés archaïques d’avant l’apparition du monnayage, l’horloge des siècles s’affole, qui finit par se mettre à l’heure féodale qu’imposait Malevil, son château, son seigneur, ce ci-devant « Comte » qui n’a plus besoin de sa chevalière pour en imposer. En gagnant Malevil, Evelyne donne ainsi libre cours à ses fantasmes – « Je suis la fiancée du Seigneur et il m’emmène dans son château » – et, montée sur le cheval d’Emmanuel, elle l’invite à « conquérir La Roque » « [l]es armes à la main » (382).

3. Le testament d’Emmanuel

Mais, en fait de croisade, Emmanuel, sait que les armes ne parlent jamais mieux que quand elles servent ou croient servir une cause spirituelle – « toute civilisation a besoin d’une âme » (398), lâche-t-il – et c’est fort de la caution de son nom, dont l’Évangile selon saint Matthieu nous apprend qu’il signifie « Dieu avec nous »[22], qu’il peut poser que « cette âme », « [d]ans l’état actuel des choses », « c’est la religion » (398).

Déliant de lui-même la religion de la foi, « c’est », précise-t-il, « l’âme qui correspond à notre niveau actuel de civilisation », celui du temps des bâtisseurs qui exige une société d’ordre(s) où les travailleurs soient assujettis à la double suzeraineté de la noblesse et de l’Église[23]. On comprend dès lors que la tentative que fait Meyssonnier pour réinterpréter l’« âme » en « philosophie » soit vouée à l’échec, la philosophie pouvant prétendre au transcendantal mais pas au transcendant. Et qu’importe si, lui aussi, pensait pouvoir offrir une eschatologie sous les espèces du « marxisme »[24] : Emmanuel n’a que faire d’une sotériologie qui ait fait de la Terre son Royaume ni de prophètes qui voient dans la religion « l’opium du peuple ». Aussi sera-t-il très clair : « Le marxisme se réfère à une société industrielle. Il est sans utilité dans un communisme agraire primitif » (399).

Maintenant que Meyssonnier, démoralisé, « ne peut plus aspirer au vrai communisme » (399), reste à opérer une transfiguration dont Emmanuel reprend les schèmes à Étienne Cabet (1788-1856) qui, dans le Vrai christianisme suivant Jésus-Christ (1846), se fait fort de « démontrer que le Communisme d’aujourd’hui n’est autre chose que le vrai Christianisme »[25]. Et réciproquement, dans un raisonnement parfaitement circulaire qui offre le bénéfice insigne de ravauder la chaîne des temps en solidarisant deux doctrines de l’émancipation humaine, deux « théologies de la libération » qui en viennent aussi à se neutraliser quand, ainsi rabattues l’une sur l’autre, elles se voient vider de leur contenu et de leur dynamique propres en un merveilleux syncrétisme qui élude totalement la lutte des classes pour ne retenir que les mots d’ordre généreux et consensuels d’amour pour le prochain et de fraternité sur lesquels tous les hommes de bonne volonté peuvent se retrouver. C’est visiblement dans ce courant du catholicisme social qui se structure dans les années 1840, que Merle puise ses références où l’on retrouve, dans le même pêle-mêle, la Bible, Platon et un communisme incantatoire mais soigneusement désincarné. Chez Cabet, donc, chez Esquiros (1812-1876) aussi, ou, un peu plus tard, chez l’abbé Roca (1830-1893) qui, comme Emmanuel, attend de « la rénovation évangélique »[26] une « création nouvelle »[27], un « nouveau monde » dont doit accoucher ce « Christianisme social [...] qui brise les vieux moules politiques, et prépare les nouveaux vases sociaux »[28]. Mais l’auto-genèse ayant ses limites, aussi social qu’il se veuille, le culte ne saurait se passer de ses ministres, chargés de veiller à l’avènement du nouveau Royaume :

À l’heure présente, il s’agit pour nous, prêtres, non pas d’arrêter la planète dans l’évolution libératrice et dans la marche en avant, que lui imprime son Libérateur, mais de la conduire sagement au terme de la délivrance sociale, par des routes savantes, afin qu’elle n’ait pas à s’y précipiter par les voies sanglantes de la révolution, comme elle fait, depuis cent ans, par notre faute[29].

On comprend pourquoi Emmanuel jugera essentiel d’être « élu abbé de Malevil » (325), lui qui, comme l’abbé Roca, doit composer avec La Fin de l’ancien monde, de nouveaux cieux et une nouvelle terre. Mais, dans cette histoire qui n’en finit pas de bégayer, reviennent aussi les fléaux des âges sombres quand cet Éden qu’est devenu Malevil attise la convoitise d’hommes squelettiques, réduits à l’état de bêtes, venus ronger un blé pas même mûr. Catholicisme social ou non, il y a urgence à sévir et ceux de Malevil n’hésitent pas un instant, qui fauchent à la carabine la horde de maraudeurs. Œil pour œil, dent pour dent : « C’est cette nouvelle époque qui le veut » (434), paraît-il, actant un autre retour : celui de l’humanité à la condition de bête qui « défend son territoire » (434). De quoi douter de ce qu’avançait Emmanuel un peu plus tôt : « Les valeurs ont changé » (399). Il est vrai que c’était pour damer le pion à Meyssonnier et imposer ses propres valeurs éternalistes.

De fait, pris dans cette structure de la répétition, rien ne peut vraiment changer, et surtout pas les valeurs, dans ce roman où, de l’âge atomique à l’âge de pierre, l’histoire piétine, le Moyen Âge assurant, comme son nom l’indique, une forme d’arc médian qui impose la féodalité comme leçon et horizon ultime des rapports sociaux. Alors, en dépit du symbolisme partout décliné qui fait d’Emmanuel un nouveau Christ[30] dispensateur de bonne nouvelle, la trame romanesque ne cesse de dérouler un anti-humanisme épais impossible à rapporter tout entier à la vocation parabolique qu’assume le roman. Difficile, ainsi, de ne pas voir que, dans cette lecture allégorique, la fraternité patine partout. Avec Fulbert, qui prétend défendre à ceux de Malevil toute descente sur La Roque en faisant fermer les portes du bourg. Avec les exactions d’une nouvelle bande, troupe paramilitaire à la discipline draconienne, entre colonne lacédémonienne et division Charlemagne, qui prend La Roque sans coup férir. À Malevil même, le retour à la barbarie n’est pas sans conséquence, entraînant chez Emmanuel un net virage autoritaire qui a raison des tentatives d’exercice collégial du pouvoir. Ce ne sera jamais dit mais Emmanuel est devenu un véritable dictateur pour qui la fin justifie les moyens.

Tirant les leçons de ces épreuves, Thomas, le seul que le récit montre continûment critique envers Emmanuel, conclut à la nécessité d’une « bonne dose de machiavélisme » pour « quiconque entend diriger ses semblables même s’il les aime » (621). Il rend alors une justice tardive à Emmanuel, incarnation du « grand homme » que l’histoire reconnaît mais qui, parfois, se dérobe – « il est des moments de l’Histoire où l’on sent un creux terrible : le chef nécessaire n’est pas apparu et tout échoue lamentablement » (621-622). Dans un fatras idéologique où, revues à l’aune du messianisme christique, les références au programme communiste le disputent à celles qui vont à la révolution nationale, le texte creuse la figure du chef et accouche d’un grand leader à la fois chef temporel et chef spirituel qui plaide pour une conception organique du pouvoir. Théoricien des pleins pouvoirs à la mode finalement plus antique que médiévale, c’est finalement un Royaume bien de ce monde que se taille Emmanuel. La prospérité et la concorde revenues, les autorités de Malevil ont à trancher des questions de philosophie politique dont la première est la suivante : que faire de la paix ?

Est-ce que [...] nous allions nous engager dans la recherche d’outils pour faciliter notre vie et d’armes pour la défendre ? Ou bien, connaissant trop, par l’affreuse expérience que nous en avions faite, les dangers de la technologie, allions-nous mettre hors la loi une fois pour toutes le progrès scientifique et la production des machines ? (634-635).

Le conseil penche pour la seconde option, mais la possibilité que d’autres groupes de survivants puissent, eux, trancher pour la première, les reverse dans le camp du pragmatisme. Et c’est parce qu’ils sont en passe de pouvoir fabriquer de nouvelles cartouches pour leurs fusils qu’ils peuvent, in fine, « envisager l’avenir avec confiance » (636) alors même que, loin de l’âge de pierre – ou alors de la pierre à fusil –, c’est le pari de l’équilibre de la terreur qui est fait, agitant le spectre d’une histoire en forme de cercle vicieux.

4. Politique-fiction et politique de la fiction

Réfléchissant sur la pratique du genre aux États-Unis, Merle disait : « la politique-fiction n’est pas qu’un jeu littéraire. Elle se propose pour but de renseigner, d’avertir, de mettre en garde. Les œuvres qu’elle inspire émanent d’écrivains qu’il serait abusif de considérer comme “de gauche”, au sens européen du terme. Mais, bien que leurs positions politiques soient parfois confuses ou naïves, ils appartiennent à une tradition libérale »[31], c’est-à-dire, sinon de gauche, donc, du moins progressistes, selon le sens que revêt le terme outre-Atlantique. Se réclamant ouvertement, lui, d’une tradition de gauche, Merle n’a pas évité les travers qu’il repère chez autrui dans sa propre pratique de la politique-fiction, singulièrement dans ce Malevil qui, brouillé par des positions « confuses ou naïves » qui partout affleurent, tranche dans sa production par son caractère férocement réactionnaire au point que l’on peut rabattre ce texte sur le Ravage (1943) de Barjavel[32], l’un et l’autre témoignant des irrépressibles aspirations d’une humanité impuissante à mettre en œuvre ses rêves autrement que par la voie d’un messianisme fangeux porté par un sauveur charismatique, témoignant d’une crise véritablement historique qui dépasse très largement la dimension thématique imposée avec l’ère atomique pour gagner les catégories mêmes de la pensée.



*Laure Lévêque est Professeur de Littérature française à l’Université de Toulon (France). Elle travaille sur l’écriture de l’histoire et sur les rapports entre littérature et politique dans le long XIXe siècle où elle questionne le rôle des élaborations idéologiques dans la construction des identités, sociales, communautaires et nationales. Elle a notamment publié Le Roman de l’Histoire. 1780-1850 (L’Harmattan, 2001), Penser la nation. Mémoire et imaginaire en révolutions (L’Harmattan, 2011), Jules Verne, un lanceur d’alerte dans le meilleur des mondes (L’Harmattan, 2019) et, avec Monique Clavel-Lévêque, Rome et l’histoire. Quand le mythe fait écran, (L’Harmattan, 2017), e-mail: laure.leveque@univ-tln.fr, ORCID: https://orcid.org/0000-0002-8019-6183


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Notes de bas de page

  1. R. Merle, Malevil, Paris, Gallimard, « Folio », 2019 [1972], p. 75. Les références à cette édition seront désormais données dans le corps du texte.
  2. Une dimension qui se raccorde directement aux angoisses levées avec l’ère nucléaire.
  3. La chronologie romanesque s’étend de 1977 à 1980, Merle ayant toujours défendu l’idée d’une anticipation à courte portée, qui notait : « Si l’on compare aux livres de science-fiction, les romans de politique-fiction sont en général faiblement anticipateurs. C’est notre avenir immédiat qu’ils décrivent, celui qui sera le nôtre dans quatre, cinq, dix ans : autant dire demain. L’effet de choc pour le lecteur en est décuplé », « Politique-fiction et angoisse planétaire », Le Monde, supplément au no 7074, 11 octobre 1967, p. IV-V.
  4. Platon, La République, VII, 514a, Paris, GF, 2016, p. 358.
  5. Ibid., VII, 521a, p. 367.
  6. T. Hobbes, Léviathan, Paris, GF, 2017 [1651], p. 159.
  7. A. Wattel, Robert Merle. Écrivain singulier du propre de l’homme, Villeneuve d’Ascq, P. U. du Septentrion, 2018, p. 22.
  8. Ibid.., p. 28. Cf. aussi R. Merle, « Je suis un écrivain engagé », Droit et liberté, juillet-août 1962, n° 211.
  9. Au moins selon l’étymologie rappelée par le Dictionnaire historique de la langue française : « À la suite de Lactance et de Tertullien, les auteurs chrétiens se plaisent à rattacher religio au verbe religare “relier” » si bien que « le mot signifierait proprement “attache” ou “dépendance” », Paris, Dictionnaire Le Robert, 1992, vol. II, s. v. « Religion », p. 1758.
  10. Depuis l’étude fondatrice de M. H. Fried, The Notion of Tribe, Menlo Park (CA), Cummings Publishing Co, 1975, jusqu’aux travaux de M. Godelier : Les Tribus dans l’histoire et face aux États, Paris, CNRS Éditions, 2010.
  11. Platon, La République, VIII, 543a, op. cit., p. 401. Voir aussi V, 457c-d, ibid., p. 274.
  12. Cf. S. Saïd, « La République de Platon et la communauté des femmes », L’Antiquité classique, 1986, tome 55, p. 142-162 et N. Ernoult, « Une utopie platonicienne : la communauté des femmes et des enfants », Clio, 22 : Histoire, femmes et société, 2005, p. 211-217.
  13. S. Saïd, op. cit., p. 143.
  14. N. Ernoult, op. cit., p. 211.
  15. S. Saïd, op. cit., p. 142.
  16. Voir M.-J. Lavallée, Lire Platon avec Hannah Arendt. Pensée, politique, totalitarisme, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2018.
  17. J. Chapoutot, Le National-socialisme et l’Antiquité, Paris, Presses Universitaires de France, 2008, p. 240.
  18. Ibid.
  19. « Le philosophe officiel du IIIe Reich, celui qui doit en être à la fois l’anticipation intellectuelle et la caution politique semble [...] être moins Nietzsche que Platon », ibid., p. 239. Plus généralement, sur cette interprétation ad hoc, on lira tout le chapitre « État raciste et société holiste : Platon philosophe-roi ou le IIIe Reich comme seconde Sparte ».
  20. Héraut de la thèse d’un Platon acquis à la pensée totalitaire dans ce qui deviendra la bible de la pensée libérale : La Société ouverte et ses ennemis, Tome 1 : L’Ascendant de Platon, écrit pendant la guerre mais publié en 1945.
  21. M.-J. Lavallée, « De l’Antiquité au totalitarisme : le Platon politique d’Hannah Arendt », Les Études classiques, 2016, 84, p. 121.
  22. Évangile selon saint Matthieu, 1, 23.
  23. Cf. J. Le Goff, « Les trois fonctions indo-européennes. L’historien et l’Europe féodale », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1979, 34e année, n° 6, p. 1187-1215.
  24. « Mais cette “âme”, comme tu dis, ça pourrait tout aussi bien être une philosophie. Par exemple, le marxisme », Malevil, op. cit., p. 398.
  25. E. Cabet, Le Vrai christianisme suivant Jésus-Christ, Paris, Au Bureau du Populaire, 1846, p. 618.
  26. La Crise fatale et le salut de l’Europe. Étude critique sur les missions de M. de Saint-Yves par l’abbé Roca, Paris, Garnier Frères, 1885, p. 10.
  27. Ibid., p. 11.
  28. Ibid., p. 10.
  29. La Fin de l’ancien monde, les nouveaux cieux et la nouvelle terre par l’abbé Roca, Paris, Jules Lévy, 1886, p. II.
  30. Rejouant, par exemple, l’épisode de la Cène quand le narrateur souligne que les gens de Malevil sont « douze à table », Malevil, op. cit., p. 400.
  31. Le Monde, supplément au no 7074, 11 octobre 1967, op. cit.
  32. Et cette conjonction témoigne de ce que Fredric Jameson appelle « une psychologie de la production utopique », laquelle recouvre des « fantasmes utopiques » qui se donnent cours au-delà de « la biographie individuelle pour s’orienter vers l’accomplissement de souhait historique et collectif », Fredric Jameson, Archéologies du futur. Le désir nommé utopie, Paris, Max Milo, « L’inconnu », 2007 [2005], p. 17.

COPE
CC

Received: 2021-07-15; Revised: 2022-03-03; Accepted: 2022‑04‑10.