ACTA UNIVERSITATIS LODZIENSIS
Folia Litteraria Romanica 17(1), 2022
https://doi.org/10.18778/1505-9065.17.1.14

Eliza Sasin* Orcid

Université de Łódź

La crise psychique dans Les Vies encloses de Georges Rodenbach

RÉSUMÉ

La fin du XIXe siècle en France est marquée par plusieurs crises parmi lesquelles la crise sociale et la crise de la littérature. Dans ce contexte, Georges Rodenbach a élaboré un poème en plusieurs parties, Les Vies encloses qui, dans la lignée des courants du symbolisme et du décadentisme, contient de nombreuses références à la philosophie de Schopenhauer. L’auteur y montre l’âme isolée aux prises avec le monde, sa recherche d’identité et sa découverte d’une vie intérieure profonde. À partir de ce qu’Edgar Morin dit de la crise et des pensées de Rodenbach lui-même, il est possible d’interpréter les différentes phases de la crise psychique que traverse cette âme, manifeste dans le contraste entre la lumière et les ténèbres, les mondes extérieur et intérieur, la sécurité et le danger et, finalement, entre la vie et la mort.

MOTS-CLÉS — crise psychique, Georges Rodenbach, poésie, symbolisme

The Psychic Crisis in Les Vies encloses by Georges Rodenbach

SUMMARY

The end of the 19th century in France is marked by several crises, including the social crisis and the crisis of literature. Under these circumstances, Georges Rodenbach wrote a multi-part poem Les Vies encloses, which in line with Symbolist and Decadent movements contains numerous references to Schopenhauer’s philosophy. The author presents the struggle between the isolated soul which is searching for its own identity and discovering a deeper inner life, and the outside world. Based on the study of the crisis by Edgar Morin and the views of Rodenbach himself, it is possible to distinguish various phases of the crisis that the soul goes through. Indeed, this crisis is a result of the dilemmas that affect the soul and it is reflected by the contrast between light and darkness, external and internal world, security and danger, and eventually, life and death.

KEYWORDS — psychic crisis, Georges Rodenbach, poetry, symbolism


La crise, concept ambigu et complexe, peut prendre différentes formes selon le domaine et le moment où elle se produit. On peut ainsi parler d’une manifestation soudaine et violente d’émotions ou d’une maladie, d’une phase grave dans l’évolution des événements ou des idées, mais aussi d’un malaise profond causé par des transformations psychologiques ou physiologiques[1]. Ce dernier suppose le caractère constant de la crise en tant que période troublée que l’on traverse. Pour saisir le processus du déroulement de la crise dans son détail, il est utile de puiser aux analyses d’Edgar Morin[2] dans la mesure où elles permettent de distinguer diverses phases de la crise, de son début jusqu’au dénouement.

Bien qu’Edgar Morin indique le XXe siècle comme la période où, du point de vue social, cette notion s’est répandue dans la conscience occidentale, la fin du XIXe siècle, marquée par le symbolisme, se distingue déjà, on le sait, par la présence de la crise dans ses différentes dimensions : à une crise générale qui touche la société et son moral, fait pendant une crise de la littérature. C’est précisément à cette époque que Georges Rodenbach[3] écrit Les Vies encloses (1896) – un poème particulièrement intéressant puisqu’il fait partie des œuvres de maturité de l’auteur belge mais, n’étant pas sa dernière production, représente toujours une phase de transition et de développement poétique, ce qui nous paraît important dans la perspective de l’analyse que nous proposons ici, qui se concentrera sur diverses facettes de la crise que l’on peut apercevoir dans l’ouvrage en question. Le choix de cet ouvrage est également motivé par le fait que, pour reprendre les mots de Jean-Baptiste Baronian, « Georges Rodenbach est l’homme d’un seul livre [...] Comme le dit le cliché, c’est l’arbre cachant la forêt »[4] – il nous semble donc intéressant de nous pencher sur des problématiques autres que celles développées dans Bruges-la-morte pour découvrir un autre aspect de la littérature française de l’époque. Car, rappelons-le, « ce Belge, Flamand de langue et d’éducation exclusivement françaises, le plus Parisien des écrivains belges, négligé par l’histoire littéraire de la France, a joué un rôle de premier plan dans la vie culturelle, en particulier pendant les dix dernières années de sa vie (de 1888 à 1898) où il s’est fixé définitivement dans la capitale »[5]. Ainsi, tout en puisant à l’esthétique symboliste et décadente et à la philosophie schopenhauerienne, nous retracerons la crise psychique que traverse le sujet rodenbachien tout au long du poème. Pour ce faire, il nous faudra nous pencher sur la solitude de l’âme et le problème de l’identité qui s’entrelacent avec la maladie, avant d’examiner les tentatives pour panser la crise.

1. Le motif de l’isolement

Les Vies encloses, un poème divisé en sept parties dont chacune se concentre sur une image poétique différente, commencent par « Aquarium mental » dans lequel la condition du sujet lyrique est présentée à l’aide d’une métaphore aquatique complexe :

L’eau sage s’est enclose en des cloisons de verre
D’où le monde lui soit plus vague et plus lointain ;
Elle est tiède, et nul vent glacial ne l’aère ;
Rien d’autre ne se mire en ces miroirs sans tain
Où, seule, elle se fait l’effet d’être plus vaste
Et de se prolonger soi-même à l’infini !
D’être recluse, elle s’épure, devient chaste,
Et son sort à celui du verre s’est uni,
Pour n’être ainsi qu’un seul sommeil moiré de rêves !
Eau de l’aquarium, nuit glauque, clair-obscur,
Où passe la pensée en apparences brèves
Comme les ombres d’un grand arbre sur un mur[6].

D’abord, c’est l’aquarium éponyme qui importe – un réservoir transparent, permettant d’observer le monde mais, en même temps, protégeant ce qui se trouve à l’intérieur. L’eau qui se situe dans cet abri est intacte et prudente, et elle le doit à l’aquarium : c’est grâce à lui qu’elle n’est pas profanée par le monde dangereux. Dès le début, on observe un contraste entre l’intérieur et l’extérieur, entre l’individu et le monde, entre le clair et l’obscur, entre la sécurité et le danger. Ces vers introduisent le lecteur à une situation de crise en signalant son premier symptôme et ils posent les bases de cet isolement qui en devient l’un des ressorts clés. « Tout est songe, tout est solitude, et silence » (VE, 4) – à partir de ce fondement, le sujet lyrique va développer sa pensée, mais d’abord, il fournit plus de détails sur son état :

Ainsi mon âme, seule, et que rien n’influence !
Elle est, comme en du verre, enclose en du silence,
Toute vouée à son spectacle intérieur.
À sa sorte de vie intime et sous-marine,
Où des rêves ont lui dans l’eau tout argentine.
Et que lui fait alors la Vie ? Et qu’est-ce encor
Ces reflets de surface, éphémère décor ? (VE, 7).

La surface de l’eau elle-même apparaît comme une sorte de couche protectrice : tel un miroir, elle reflète des branches et des étoiles. C’est un simulacre, une impression gracieuse qui a pour but de masquer le vrai intérieur – l’âme, qui n’est pourtant pas uniforme et dont le paysage psychique est plein de créatures diverses, bonnes et mauvaises. Plus loin, dans « Les Malades aux fenêtres », c’est la maladie qui possède à son tour le pouvoir d’isoler et qui offre de cette manière la possibilité de se concentrer sur son for intérieur. Mais c’est aussi un lieu où la poésie rencontre la réalité car, comme nous le révèle Camille Mauclair, Rodenbach « se tenait au seuil de l’existence, et n’y entrait pas, et de ce seuil il nous regardait tous avec une tristesse profondément délicate »[7]. Par ailleurs, selon Ernest Révil, l’écrivain « disait fréquemment à ses amis que le poète est un être à part, chargé d’interpréter l’âme du peuple, et que par conséquent ce peuple lui doit un respect sans bornes »[8]. Ce motif peut donc être un reflet de sa souffrance causée par la maladie[9] mais aussi de sa conviction que l’éloignement est important pour l’écrivain, voire qu’il possède un grand pouvoir poétique. Citons encore le commentaire de Jean Pierrot sur l’« isolement, que l’artiste éprouve comme une nécessité, mais dont, en même temps, il ne peut s’empêcher de souffrir ». Cela apporte un éclairage intéressant à notre propos car, à lire le chercheur, une telle posture sera regardée par les milieux scientifiques de l’époque comme un symptôme de maladie mentale[10]. L’idée de crise, dans son aspect médical, se rapproche ainsi de cette constatation.

Parmi les éléments qui contribuent à la création de cet espace isolé, l’on ne saurait négliger le rôle du silence. Il est présent dès la première partie du poème, où « les vitres [de l’aquarium] ont l’air des bassins de silence » (VE, 36). Son motif mérite d’être développé. Signalons d’abord que Les Vies encloses sont, comme le fait observer l’ami de Rodenbach, Octave Mirbeau, « la suite logique du Règne du silence. Les deux poèmes procèdent de la même pensée d’art, de la même philosophie, et s’enchaînent l’un à l’autre, rigoureusement, harmonieusement »[11]. Cette philosophie ainsi que cette pensée de l’art dont parle Mirbeau se donnent à lire dans la manière dont Rodenbach crée ses symboles, car son symbolisme est surtout un symbolisme d’analogie qui s’accroche à l’esthétique et à la métaphysique, et tient à déconstruire le monde pour le reconstruire par la suite sous forme de visions poétiques. Ce processus de création a été bien caractérisé par David Paigneau : « Le poète symboliste est celui qui doit réussir une synthèse entre extérieur et intérieur, observation et réinterprétation, pour placer le Moi du sujet perceptif au centre de ses préoccupations »[12]. Le silence fonctionne exactement selon ce principe, né dans la vie réelle et devenu ensuite un élément de l’univers symbolique du poète. Son importance est également attestée par Serge Barranx qui érige le silence en l’un des éléments principaux de l’ouvrage de Rodenbach : « C’est une œuvre de recueillement et de silence, pensée et écrite loin des bruits des villes et des clameurs des foules »[13].

Passons à présent au contraste entre le clair et l’obscur : présent dès le début du poème, il est particulièrement perceptible dans sa deuxième partie, « Le Soir dans les vitres », où a lieu un « douloureux combat de la Lumière / Et de l’Ombre » (VE, 33). Et c’est dans cette partie que la métaphore de l’aquarium évolue : ses parois se changent en fenêtres, cependant, elles remplissent toujours une fonction protectrice – « l’ombre s’amasse aux fenêtres vaincues » (VE, 35)[14]. Maintenant il s’est mué en abri pour une perle qui, symbole de pureté, s’y protège du soir dangereux. De « la chambre triste et lasse [qui] est enfin résignée / et s’abandonne au soir qui, sournois, s’insinue » (VE, 38). Dans ce jeu d’ombre et de lumière, parfois c’est la lumière qui règne, ailleurs triomphent les ténèbres et cela se passe tout à fait comme le décrit Edgar Morin lorsqu’il rend compte des phases de la crise : à coups de déblocages et de reblocages[15]. C’est une lutte dans laquelle l’avantage passe sans cesse d’un côté à l’autre, comme le montre Rodenbach : « Alors ce sont soudain des obscurcissements ; / Puis c’est une éclaircie et de brusques trouées » (VE, 14). Mais au milieu de tous ces éléments, voici qu’apparaît un autre aspect et, avec lui, le changement – « comme si tout à coup la chambre vieillissait » (VE, 39), ce qui amène le sujet parlant, sentant l’ombre toute proche, à parler explicitement de la crise psychique :

Le ciel est gris ; mon âme est grise ;
Elle se sent toute déprise,
Elle se sent un parloir nu ;
Car le soir, ce soir, m’est venu
Comme un commencement de crise (VE, 40).

Par la suite, la métaphore se développe – le soir se manifeste en tant qu’emblème ou précurseur de la mort, la scène prend place au « demi-deuil de la Toussaint » (VE, 44) et la solitude ne quitte pas le sujet lyrique, au contraire, elle atteint des sommets et devient si forte que le sujet lyrique exprime la volonté de mourir.

2. « Suis-je ou ne suis-je pas ? »

La situation évolue par la suite, ce que marque une référence shakespearienne. Et bien que le motif d’Ophélie ait déjà été exploité par Rodenbach[16], un nouvel élément de la crise s’impose alors sous couvert de cette figure, le sujet lyrique s’en servant comme d’un point de départ pour des réflexions sur l’existence. Nous lisons donc : « Ophélie étonnée a tâché de conclure : / “Suis-je où ne suis-je pas ?ˮ, songe-t-elle, fidèle » (VE, 9). L’hésitation exprimée par cette paraphrase est d’autant plus saisissante qu’elle sort de la bouche d’une noyée. Par la suite, cette pensée se développe autour d’un « poisson entr’aperçu / Qui vient, oblique, part, se fond, devient fluide » (VE, 10) pour s’estomper et pâlir. L’annonce de la fin, si typique de l’époque et exprimée par cette image, laisse le lecteur face à la question rhétorique suivante :

Quel charme amer ont les choses qui vont finir !
Et n’est-ce pas, ce lent poisson, une pensée
Dont notre âme s’était un moment nuancée
Et qui fuit et qui n’est déjà qu’un souvenir ? (VE, 11).

L’incertitude de sa propre existence se colore d’éphémère, de transitoire, de passager, investissant l’espace entre deux mondes, « lieu qui n’est plus la vie et qui n’est pas la mort ! » (VE, 15). Ce point indéterminé est une composante de la crise ; aussi, selon Morin : « À l’origine, Krisis signifie décision : c’est le moment décisif, dans l’évolution d’un processus incertain, qui permet le diagnostic. Aujourd’hui crise signifie indécision. C’est le moment où, en même temps qu’une perturbation, surgissent les incertitudes »[17]. La mort y joue cependant un grand rôle, ce qui se note dans cette comparaison de l’âme avec « une eau stagnante, une eau sans but et sans courant » (VE, 52) et conduit inévitablement aux observations de Gaston Bachelard pour qui « l’eau est le véritable support matériel de la mort, ou encore, par une inversion toute naturelle en psychologie de l’inconscient, nous comprendrons en quel sens profond, pour l’imagination matérielle marquée par l’eau, la mort est l’hydre universelle »[18].

Dans la partie « Les Malades aux fenêtres », cette problématique revient aussi avec la maladie, caractérisée comme « épreuve, demi-vie, état intermédiaire » (VE, 90). On observe une gradation : le sujet lyrique subit une crise générale qui porte plus particulièrement sur sa santé. L’un de ses symptômes consiste en de soudaines crises de nerfs mais la maladie commande aussi toute une symptomatique : la description se focalise sur les mains très pâles, « à peine humaines » (VE, 91), ce qui renforce cette impression d’un être indécis, suspendu entre la vie et la mort :

De même, étant malade, on se ressemble à peine ;
On n’a plus son visage, ah ! comme on est changé ! […]
On se trouve soudain plus sage et plus âgé ;
On se cherche, on se perd, en molle souvenance ;
Soi-même on se revoit tel qu’après une absence (VE, 127).

Reliée aux autres métaphores, la maladie, comparée à un clair-obscur solennel, « est une crise de lumière ; / On sent planer l’ombre de l’aile de la mort » (VE, 89). Ce contraste entre la lumière et l’obscurité, présent dès le début du poème, est l’un des grands axes à partir desquels sont dépeints la lutte interne ou le déroulement de la crise. Au fur et à mesure, l’espoir de guérison s’estompe et s’impose le sentiment de fin de la vie.

Toutefois, outre cet aspect synchronique de l’identité, on note que le sujet lyrique impose sa face diachronique qui s’exprime à travers notre mémoire, où il est également associé à la crise :

C’est comme si toujours quelque chose y mourait !
Car retrouver un fantôme d’ancienne joie,
Le spectre d’une rose ou l’écho d’une voix,
C’est les voir mourir presque une seconde fois (VE, 24).

Partant, c’est le passé qui influence le moral au présent. Et ce présent n’est plus heureux mais douloureux, marqué par des événements anciens qui font toujours mal, que le sujet lyrique revit toujours, bien que seulement en son for intérieur. De plus, nous pouvons supposer que c’est à cause de ces événements passés, qui vont revenir entre autres avec « les vieux portraits d’aïeuls » (VE, 39), que le sujet lyrique se trouve à présent en crise et qu’il ne pourra plus réintégrer son état antérieur : « Ah ! ne jamais pouvoir redevenir l’eau nue / Toujours sentir dans l’eau lasse renaître un pli » (VE, 24). Ainsi, le présent se manifeste comme une « douleur quotidienne » (VE, 25), une « survivance de peine » (VE, 25). Ce thème de la mémoire et des ancêtres prend une importance particulière lorsque l’on sait que Rodenbach, tout comme Hugo ou Marceline Desbordes-Valmore, a été marqué par la mort de ses proches, sœurs et parents. Mirbeau confirme cette inspiration personnelle, observant : « Rodenbach aimait que la poésie émanât directement de la vie, de l’intimité de la vie »[19].

3. Pessimisme schopenhauerien

Pour compléter cette image de la crise dans Les Vies encloses, il faut encore signaler une autre inspiration, philosophique cette fois :

Transparence de l’âme et du verre complice ;
Que nul désir n’atteint, qu’aucun émoi ne plisse !
Mon âme s’est fermée et limitée à soi ;
Et, n’ayant pas voulu se mêler à la vie,
S’en épure et de plus en plus se clarifie.
Âme déjà fluide où cesse tout émoi (VE, 12).

Dans son abri, un « léthargique aquarium » (VE, 14), l’âme demeure néanmoins calme. Aucune tentation mondaine ne la concerne et, bien à sa place, elle jouit de la paix. Ce calme plein de silence et de solitude est par la suite renforcé par l’effet de contraste entre l’aquarium – artificiel et séparé de la nature – et les « eaux vassales » : le ruisseau qui se déchire, le fleuve qui s’exalte, l’eau du canal qui n’est pas assez contenue, l’impatiente eau du jet, la mer souffrante. D’un côté « l’aquarium prend en pitié les autres eaux » (VE, 26) parce qu’elles souffrent à cause de la vie, mais de l’autre, étant séparé de la vie, il constate sa propre inutilité.

Tentant de se détacher du vouloir vivre et se tenant à distance, le sujet rodenbachien paraît se mouvoir exactement dans un cadre schopenhauerien. En effet, Rodenbach a été fortement influencé par le pessimisme schopenhauerien[20], qui s’est initié à sa philosophie par l’intermédiaire des cours d’Elme Caro à la Sorbonne. L’influence du philosophe est la plus évidente dans le roman autobiographique Art en exil. Et comme il l’admet dans les Évocations, Schopenhauer était pour lui un homme qui savait tout, qui avait tout lu. Selon Rodenbach, « ce pessimisme est intéressant, il est tragique parce qu’il sort de notre état social comme sa floraison naturelle et vénéneuse ; et, qu’ainsi l’étudier, c’est étudier en même temps la crise et les secousses de nos civilisations finissantes »[21]. Ce commentaire de Rodenbach permet d’interpréter la présence de la crise dans son ouvrage comme le résultat d’une crise générale dans la société. Et ses mots : « Oui, Schopenhauer a raison, avec la sensibilité apparaît la douleur »[22], suggèrent de toute évidence que la crise qui s’exprime dans Les Vies encloses découle de la façon dont Rodenbach percevait la vie[23].

4. Tentatives pour panser la crise

« La crise, c’est […] les jeux des feed-back négatifs et positifs, les antagonismes et les solidarités, les double-bind, les recherches pratiques et magiques, les solutions au niveau physique et au niveau mythologique »[24], écrit Morin. Dans Les Vies encloses, cette pensée est introduite à travers diverses métaphores. Car Rodenbach multiplie les allusions au somnambulisme, à l’occultisme, à la religion chrétienne (le sujet lyrique parle entre autres des limbes) – « toute une vie occulte y prend un bain d’argent » (VE, 15). De plus, l’âme est toujours présentée dans un espace clos et, nous inspirant de la pensée de Bachelard, nous pouvons remarquer que « tous les abris, tous les refuges, toutes les chambres ont des valeurs d’onirisme consonantes »[25]. Ainsi, d’un côté, on observe l’individuation du sujet lyrique, mais, de l’autre, ce sujet cherche à échapper à la réalité qui cause son malaise.

Ce désir d’évasion se manifeste dans « La Tentation des nuages ». En effet, tournée vers le ciel lointain qui attire par la possibilité de beaux voyages, cette partie est dominée par la recherche symboliste de l’idéal et la quête d’un autre monde inconnu : « tout ce qui passe et part incessamment, / Vient tenter l’âme en songe et qui se croyait sauve / Derrière le cristal de son renoncement » (VE, 185). Cette impression est dépeinte d’une manière similaire à « Brise marine » de Mallarmé, bien que les raisons de la fuite diffèrent : le sujet mallarméen veut échapper à l’ennui tandis que celui de Rodenbach veut trouver un endroit plus amène et, ainsi, dépasser la crise.

« Puisque la vie est mauvaise, l’idéal religieux chimérique, les tentations de progrès vaines, il faut exercer sa volonté au détachement »[26], déclare Rodenbach. Bertrand Marchal relève les mots privilégiés du symbolisme : âme, esprit, idée, essence. Or, Les Vies encloses nous montrent à quel point la création littéraire de Rodenbach correspond à cette dimension idéaliste du symbolisme, ces mots revenant constamment, avec leur champ sémantique. Mais, dans le cas de ce poème, il s’agit toujours d’espoirs illusoires et l’âme demeure enclose du fait des vitres qui, permettant d’admirer le ciel, ne la laissent pas fuir vers les nuages. L’ambiance redevient mélancolique quand le ciel vire au gris, prêtant cette couleur à l’âme qui, ayant erré « entre la joie humaine et son chagrin sans fin » (VE, 192), est désormais toute triste. Ce désir immense de « [r]ecommencer sa vie en la changeant ! Oui, c’est / Se refaire une autre âme en face d’autres fleuves » (VE, 209) s’éteint rapidement pour faire place à la résignation et à une acceptation triste :

Sois toi-même en restant dans ta maison fermée,
Au lieu de devenir un autre à chaque adieu ;
Bonheur subtil d’orner en soi sa destinée
D’un voyage qu’on rêve et qui n’a pas eu lieu ! (VE, 210).

Nous pourrions ainsi comparer Rodenbach à Baudelaire puisque, comme le note encore Bertrand Marchal, « il y a sans doute, dans Les Fleurs du Mal, une aspiration tout idéaliste à une réalité au-delà de réel, mais les correspondances renvoient moins souvent au ciel qu’aux profondeurs du moi »[27]. Pareillement, Rodenbach use du motif de l’aspiration vers le ciel pour développer l’introspection : l’une et l’autre se complètent et sont liées par le motif de l’âme, mais c’est cette dernière qui domine. C’est grâce à l’admiration des nuages que le sujet lyrique peut apercevoir que « c’est dans soi qu’on peut voir les plus beaux paysages » (VE, 210).

Une autre dimension des tentatives pour panser la crise apparaît quand « le malade mire au miroir sans mémoire » (VE, 92), puisque ce miroir offre explicitement la possibilité de regarder à l’intérieur de soi et de voir le visage qui ne porte aucun masque, qui n’est influencé ni par la vie extérieure, ni par les événements passés. De cette façon, l’essence de l’identité pure et réelle peut se révéler, ce qui constitue une forme d’épreuve pour surmonter la crise de l’identité. Mais la maladie s’unit avec cette poursuite de l’inconnu : dans cet état, on pense différemment, on perçoit le monde d’une autre manière que lorsqu’on était sain, « on s’exhausse à des rêves meilleurs […] on se sent anormal » (VE, 90).

Après ces nombreux efforts pour se soigner, dans la dernière partie des Vies encloses, « L’Âme sous-marine », le lecteur parvient à une conclusion : la fuite n’est pas possible, « notre âme au monde se fiance ! » (VE, 214). De plus, cette connaissance de soi n’est qu’une illusion trompeuse puisque le miroir n’est capable de mirer que la vie réelle, terrestre ; en revanche, celle qui est profonde, immense et appartient au monde spirituel, voire divin, nous est inaccessible, impossible à découvrir et se cache à jamais dans l’inconscient. Cet inconscient dont la notion, pour reprendre les mots de Jean Pierrot, souvent « servit à désigner les profondeurs plus ou moins secrètes du psychisme, dont l’analyse, l’introspection, ou certains phénomènes exceptionnels, permettaient de déceler ou du moins de deviner l’existence »[28].

5. Conclusion

La crise psychique qui émerge des Vies encloses est donc complexe et multidimensionnelle. Dans la perspective la plus générale, on peut la percevoir en tant que mélancolie et pessimisme schopenhauerien qui marquent l’ensemble de l’ouvrage et qui constituent un continuum de la tristesse. Cependant, après avoir analysé ses composantes, on peut distinguer des phases spécifiques de la crise, qu’Edgar Morin a esquissées. Au tout début, nous avons trouvé le sujet lyrique dans une situation précise, représentée par la métaphore de l’aquarium et à travers le motif de l’isolement, qui nécessitait de trouver une solution. Ensuite, s’est introduit le sentiment d’incertitude ; en effet, des doutes sur sa propre existence frappaient le sujet parlant. Cette étape comprend donc en soi deux crises mineures : la crise existentielle et la crise identitaire. Au cours de l’évolution de la situation lyrique dans les parties suivantes du poème, nous avons pu observer l’intrication des hauts et des bas, des moments de détérioration et d’amélioration de la situation ; chaque solution apparente apportant de nouveaux doutes. La recherche d’une issue, qui est l’étape suivante de la crise, s’est également déroulée à plusieurs niveaux – avec l’espoir perdu de convalescence ou à travers la poursuite symboliste bien connue d’un monde lointain, possiblement inspiré par l’occultisme ou le christianisme[29]. « Dans la crise sont simultanément stimulés les processus quasi “névrotiques” (magiques, rituels, mythologiques) et les processus inventifs et créateurs »[30], écrit à ce propos Edgar Morin.

« Le concept de crise est donc extrêmement riche, plus riche que l’idée de perturbation ; plus riche que l’idée de désordre ; portant en lui perturbations, désordres, déviances, antagonismes, mais pas seulement ; stimulant en lui les forces de vie et les forces de mort »[31], telle est exactement l’image de la crise qui touche l’âme disséquée par Rodenbach. Cette âme, Rimbaud l’a distinguée dans ses rêves d’un langage « de l’âme pour l’âme », celle décrite par Baudelaire voulait s’évader N’importe où hors du monde, et l’âme rodenbachienne se place dans leur continuité pour panser sa crise, pour découvrir son aspect intérieur – vrai et pur, caché dans le subconscient. Tous ses efforts dont témoigne le poème apparaissent donc comme une introspection profonde, ce qui résonne avec une définition de Vielé-Griffin pour qui la poésie symboliste serait une « autopsychologie intuitive »[32]. La dernière étape que nous découvrons dans Les Vies encloses est le moment où l’âme accepte l’état dans lequel elle se trouve et la souffrance de la vie terrestre. Cependant, la création poétique de Rodenbach étant un véritable continuum, on peut se demander si et comment cette situation évolue dans ses œuvres ultérieures, où la conscience de la maladie et de la mort perce avec plus d’acuité. Ce sera sans doute l’objet d’analyses à venir.



*Eliza Sasin, étudiante en philologie romane à l’Université de Łódź, présidente du Cercle Scientifique des Romanistes, diplômée de l’Université Jean Moulin Lyon 3 dans le cadre du programme Erasmus+. Ses recherches portent sur la littérature française du XIXe siècle. Intéressée notamment par la poésie symboliste et le féminisme, elle travaille actuellement sur la symbolique de la femme et de l’eau. Autrice de l’article « “Ô femmes ! reprenez la plume et le pinceau”: un manifeste féministe de Constance de Salm » (Babel. Littératures plurielles, nº 43/2021) et d’autres articles consacrés à la poésie du XIXe siècle, e-mail: eliza.sasin@edu.uni.lodz.pl, ORCID: https://orcid.org/0000-0001-8220-1305


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Sobierajska, Alicja, Le Mythe d’Ophélie dans la littérature belge d’expression française à l’époque du symbolisme, thèse de doctorat, Université Adam Mickiewicz de Poznań, 2014

Vielé-Griffin, Francis, « Qu’est-ce que c’est ? », Entretiens politiques et littéraires, 1 mars 1891, vol. II, n° 12, p. 65-66


Notes de bas de page

  1. Les définitions en question proviennent du dictionnaire Robert, https://dictionnaire.lerobert.com/definition/crise, consulté le 27.11.2021.
  2. E. Morin, « Pour une crisologie », Communications, La notion de crise, 1976, n° 25, p. 149-163.
  3. La biographie de l’auteur de Bruges-la-Morte qui, ne serait-ce qu’à cause de sa maladie, semble parfois faire écho à son œuvre, a été soigneusement retracée entre autres par Pierre Maes (Georges Rodenbach, Paris-Bruxelles, Eugène Figuière éditeur, 1926) ou, plus récemment, par Paul Gorceix, Georges Rodenbach : 1855-1898, Paris, Honoré Champion, 2006.
  4. J. B. Baronian, « Georges Rodenbach et Octave Mirbeau », Cahiers Octave Mirbeau, 2020, n° 27, p. 269.
  5. P. Gorceix, op. cit., p. 11.
  6. G. Rodenbach, Les Vies encloses, Paris, G. Charpentier et E. Fasquelle, 1896. Les citations se réfèrent toutes à cette édition et seront désormais signalées par l’abréviation VE suivie du numéro de page directement après la citation.
  7. C. Mauclair, « Georges Rodenbach », La Revue des revues, Paris, 15 février 1899, p. 386.
  8. E. Révil, Georges Rodenbach, Bruxelles, Société Belge de Librairie, 1909, p. 11.
  9. « En vérité, Rodenbach, peu soucieux de sa santé, souffrait depuis longtemps, mais il ne se soignait pas et vivait retranché dans la douleur, espérant une amélioration. Son état s’était aggravé subitement. Il succomba à une crise de typhlite le 25 décembre, le jour de Noël », P. Gorceix, op. cit., p. 235.
  10. J. Pierrot, L’Imaginaire décadent, 1880-1900, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2007, p. 70. Cet enfermement de l’âme dépeint par Rodenbach peut être comparé à celui que Maeterlinck a créé sept ans plus tôt – privilégiant, lui aussi, l’aspect de l’abri limpide, il élabore la métaphore des Serres chaudes – dans les deux cas, le monde extérieur est donc vu à travers une vitre. Cette ressemblance est notamment visible dans le poème intitulé « Aquarium », où Maeterlinck dépeint l’âme comme le dernier élément à peine vivant du sujet lyrique.
  11. O. Mirbeau, « Georges Rodenbach », Le Journal. Quotidien, Littéraire, Artistique et Politique, Paris, 15 mars 1896.
  12. D. Paigneau, « La poétique de la Ville de Georges Rodenbach », Lublin studies in modern languages and literature, 2020, vol. 44, n° 4, p. 12.
  13. S. Barranx, « Un poète : Georges Rodenbach », Revue de l’enseignement primaire et primaire supérieur, 29 mars 1896, n° 27, p. 425.
  14. Le thème de l’espace clos a été abordé par Patrick Laude selon qui « [l]e recueil Les Vies encloses apparaît, comme son titre l’indique, comme le point culminant de cette méditation sur la retraite solitaire médiatisée par les figures symboliques de l’aquarium et de la chambre. La clôture de l’aquarium manifeste, de la façon la plus discrète qui soit, le rejet de l’extériorité, et cela non seulement par le fait de la séparation introduite par les parois de verre, mais plus encore par la circularité de ses formes qui ne sauraient donner nulle prise aux reflets qui voudraient l’asservir et l’aliéner ». P. Laude, « Clôture et intériorité », Rodenbach. Les Décors de silence, Bruxelles, Éditions Labor, 1990, p. 43.
  15. Le sociologue associe ces deux concepts à la croissance des désordres qui, à son tour, produit « la paralysie et la rigidification de ce qui constituait la souplesse organisationnelle du système, ses dispositifs de réponse, de stratégie, de régulation ». E. Morin, op. cit., p. 156.
  16. Gaston Bachelard traite de l’ophélisation de la ville chez Rodenbach dans son ouvrage L’Eau et les Rêves. Essai sur l’imagination de la matière, Paris, Librairie José Corti, 1942 ; l’œuvre poétique de Rodenbach constitue aussi l’un des piliers des analyses d’Alicja Sobierajska dans sa thèse de doctorat Le Mythe d’Ophélie dans la littérature belge d’expression française à l’époque du symbolisme soutenue en 2014 à l’Université Adam Mickiewicz de Poznań. Francesca Paraboschi note à juste titre que « [l]a questione che si pone l’eroina acquisisce un valore molto diverso rispetto a quello della tragedia originale; Rodenbach vuole qui sottolineare quello stato di incertezza, di passagio tra due dimensioni, colto nell’esattezza del momento in cui una scofina nell’altra e ad essa si confonde ; si tratta del passagio della vita alla morte », F. Paraboschi, « L’“Ophélie” di Rimbaud e le Ofelie di Rodenbach », inACME – Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia dell’Università degli Studi di Milano, Volume LVII, Fasciolo I, Gennaio-Aprile 2004, p. 294.
  17. E. Morin, op. cit., p. 149.
  18. G. Bachelard, op. cit., p. 82.
  19. O. Mirbeau, Les Écrivains, deuxième série, Paris, Flammarion, 1926, p. 153.
  20. Georges Rodenbach rejoint de cette manière toute une génération d’auteurs qui ont écrit sous l’influence du philosophe. Cette puissance du schopenhauerisme a été largement décrite dans Schopenhauer et la création littéraire en Europe, A. Henry éd., Paris, Méridiens Klincksieck, 1989 ; pour une perspective plus exclusivement francophone, on peut se référer à l’ouvrage de René-Pierre Colin, Schopenhauer en France. Un mythe naturaliste, Presses universitaires de Lyon, 1979.
  21. G. Rodenbach, « Notes sur le Pessimisme », Évocations, Bruxelles, La Renaissance du livre, 1924, p. 180.
  22. Ibid., p. 197.
  23. Selon Camille Mauclair, Georges Rodenbach était « l’un des plus sensitifs esprits de notre temps, un organisme merveilleusement fin, une âme dont les parois étaient si amincies, qu’à travers elles transparaissait une lueur étrange qui ne venait pas de la terre », op. cit., p. 392.
  24. E. Morin, op. cit., p. 160.
  25. G. Bachelard, La Poétique de l’espace, Paris, Les Presses universitaires de France, 1961, p. 33.
  26. G. Rodenbach, op. cit., p. 208.
  27. B. Marchal, Le Symbolisme, Paris, Armand Colin, 2011, p. 101.
  28. J. Pierrot, op. cit., p. 155.
  29. Patrick Laude, consacrant un chapitre entier à cette question, parle entre autres de la spiritualisation de la maladie et appelle Rodenbach « un mystique potentiel qui resta toujours aux portes du temple, faute d’avoir bénéficié de conditions et d’influences qui pussent permettre à ses potentialités d’éclore, ou faute d’avoir trouvé en lui-même l’aspiration spirituelle suffisante pour l’assomption d’une telle orientation », P. Laude, « La présence des formes religieuses », op. cit., p. 111-123.
  30. E. Morin, op. cit., p. 160.
  31. Ibid.
  32. F. Vielé-Griffin, « Qu’est-ce que c’est ? », Entretiens politiques et littéraires, 1 mars 1891, vol. II, n° 12, p. 66.

COPE
CC

Received: 2021-10-06; Revised: 2022-01-17; Accepted: 2022‑02‑25.