ACTA UNIVERSITATIS LODZIENSIS
Folia Litteraria Romanica 17(1), 2022
https://doi.org/10.18778/1505-9065.17.1.05

Małgorzata Sokołowicz* Orcid

Université de Varsovie

« L’illusion du jardin décevant ». L’écriture de la crise dans les Jardins maures d’Aline Réveillaud de Lens

RÉSUMÉ

Le but de cette contribution est de répondre à la question de savoir pourquoi dans les Jardins maures, cycle de nouvelles de l’écrivaine et peintre française de l’époque coloniale, Aline Réveillaud de Lens (1881-1925), l’imaginaire du jardin s’unit à celui de la crise. Avons-nous affaire tout simplement à la crise du jardin compris comme un espace paradisiaque ou s’agit-t-il d’autres crises encore que l’écrivaine évoque en se servant de cette union incongrue du jardin et de la crise ? Pour répondre à ces questions, nous avons divisé notre article en trois parties. La première présentera brièvement l’écrivaine et le cycle. La deuxième montrera que le jardin en crise peut cacher des crises propres à la société musulmane et la troisième décrira le jardin en crise comme la crise d’un certain rêve.

MOTS-CLÉS — jardin, crise, Aline Réveillaud de Lens, Maghreb, femme

“The illusion of the deceiving garden”. Crisis Writing in Jardins maures [Moorish Gardens] by Aline Réveillaud de Lens

SUMMARY

The aim of this contribution is to answer the question of why in Jardins maures [Moorish Gardens], a collection of short stories written by a French writer and painter of the colonial era, Aline Réveillaud de Lens (1881-1925), the imaginary of the garden intervenes with that of the crisis. Are we simply dealing with the crisis of the garden understood as an Edenic place or are we faced, in those short stories, with other crises that the writer evokes by using this incongruous union of the garden and the crisis? To answer these questions, we have divided our paper into three parts. The first will briefly introduce the writer and the collection. The second will show that the crisis of the garden may denounce some crises of Muslim society and the third part will describe the crisis of the garden as the crisis of a certain dream.

KEYWORDS — garden, crisis, Aline Réveillaud de Lens, Maghreb, woman


« Aux temps primitifs assimilés par Hugo, dans la Préface de Cromwell, à l’ode et la Genèse, la littérature ne connaît pas la crise – elle est hymne, prière et remerciement dans un monde Un. Mais toute la suite découle de l’entrée de la littérature dans une logique de crise »[1], lit-on dans l’introduction au volume collectif Crise de la littérature et partage des disciplines. Cette « logique de crise » ne quitte plus la littérature, l’imprègne, la conditionne même.

Elle influence aussi, sans doute, la perception de la notion de crise. Le concept, écrit Edgar Morin dans son fameux article « Pour une crisologie », « s’est répandu au XXe siècle à tous les horizons de la conscience contemporaine. Il n’est pas de domaine ou de problème qui ne soit hanté par l’idée de crise »[2]. Pourtant, la notion « s’est comme vidé[e] de l’intérieur »[3] et il est de plus en plus difficile de la définir.

C’est ainsi que Thierry Portal y voit le « moment du “grand trouble” » et la rattache au conflit et à l’incertitude[4]. Edgar Morin indique « l’idée de perturbation, d’épreuve, de rupture d’équilibre »[5]. L’imaginaire de la crise évoque donc la lutte, le choc, la contradiction, mais aussi – n’oublions pas que le mot était d’abord employé en médecine[6] – la douleur, la souffrance, la déception et la tristesse. Logiquement, tous ces mots s’opposent à l’imaginaire habituel du jardin. « Le jardin, écrivent Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, est un symbole du Paradis terrestre, du Cosmos dont il est la figure, des états spirituels, qui correspondent aux séjours paradisiaques »[7]. Il renvoie même à l’idée du paradis perdu[8] et s’attache au bonheur, au bien-être, à la relaxation, au calme, à la beauté. Il fait partie des loci amoeni, lieux agréables, qui se prêtent facilement aux représentations idylliques. Pourtant, comme le constate avec justesse Frédérique Thomas, « Tous les jardins sont clos, même s’ils sont ouverts sur le paysage. C’est leur condition même : un jardin est une partition de l’étendue. […] Un lieu bien circonscrit face à l’ouvert de la nature »[9]. L’hortus amoenus est aussi hortus conclusus, jardin enclos, lieu sûr, lieu protégé[10]. Depuis le Moyen Âge, « Les haies, les pierres, les palissades, séparaient le monde clos où croissaient les simples et où régnait Dieu, du monde extérieur chaotique où l’homme était la proie de la tentation et du mal »[11]. C’est un paradis en miniature, bien protégé et, en quelque sorte, séparé du monde.

Cet aspect du jardin est exploité dans l’écriture d’Aline Réveillaud de Lens, et plus particulièrement dans son cycle de nouvelles Jardins maures, où l’écrivaine joint l’imaginaire du jardin à la notion de crise pour présenter à ses lecteurs la condition des femmes maghrébines du début du XXe siècle. La vie des musulmanes cloîtrées correspond à l’image du jardin enclos, séparé du monde extérieur. Du coup, la notion de crise s’associe à la fois à la vie des femmes musulmanes, à sa lenteur et à sa monotonie, et au jardin qui ne remplit pas sa fonction habituelle : celle de rendre leurs jours plus agréables. La crise, à côté de son imaginaire consacré du choc, de la rupture d’équilibre, devient chez Aline Réveillaud de Lens synonyme d’existence étiolée, enfermée, de neurasthénie même. Le but de notre contribution est de montrer les relations entre les femmes et le jardin qui émergent des nouvelles et qui évoquent régulièrement la notion de crise. Nous le ferons en trois mouvements. D’abord, nous présenterons brièvement l’écrivaine et le cycle et expliquerons son penchant pour l’écriture de crise. Ensuite, nous nous concentrerons sur les représentations du jardin en crise qui dénoncent certaines crises propres à la société musulmane. Enfin, nous décrirons le jardin en crise comme la crise d’un certain rêve.

1. Aline Réveillaud de Lens et ses Jardins maures

Aline de Lens (1881-1925) est l’une des premières femmes admises à l’École des Beaux-Arts de Paris. Écœurée par les idéaux bourgeois de son époque, elle ne veut pas se marier, mais désire consacrer sa vie à l’art. Pourtant, en 1908, elle fait la connaissance d’André Réveillaud, de six ans son cadet, qu’elle épouse malgré le mécontentement des deux familles. Le couple décide de ne jamais consommer le mariage, de quitter la France corrompue et de commencer une vie nouvelle dans les colonies. André devient fonctionnaire colonial en Tunisie (1911), puis, au Maroc (1913).

Au Maghreb, Aline apprend l’arabe, devient l’amie de femmes autochtones et peint. Cependant, avec le temps, sa santé devient de plus en plus fragile. Depuis sa jeunesse, elle souffre de neurasthénie. À cela s’ajoute, dès 1919, un cancer du sein qui lui cause maints troubles physiques et psychiques. La peinture devient trop épuisante pour la jeune femme. Vivement encouragée par son mari, elle se met alors à écrire et à publier ses travaux (principalement des cycles de nouvelles : Le Harem entr’ouvert en 1919, L’étrange aventure d’Aguida en 1925)[12].

Le cycle Jardins maures – qui se compose de six nouvelles dont chacune parle d’un jardin – est publié, à titre posthume, en 1932, dans La Revue de Paris[13]. C’est sans doute la sœur d’Aline, Marie-Thérèse, dépositaire de son œuvre après la mort d’André en 1926, qui s’est occupée de la publication[14]. Les documents auxquels nous avons eu accès (les archives familiales en France et les documents d’Aline Réveillaud de Lens qui se trouvent actuellement au Maroc) nous ont permis d’identifier la date de la création d’une nouvelle, « Réminiscences », publiée dans le cycle sous le titre « Reminiscere ». Elle a été écrite à Rabat durant l’été 1914[15]. Il est difficile de dire quand ont été écrites les autres. Pourtant, au vu de leur ton pessimiste, il se peut qu’elles coïncident avec les moments les plus difficiles de la vie de l’écrivaine : le déménagement au Maroc, le déclenchement de la Grande Guerre et la mort de son père (1913-1915), ou la découverte de son cancer et sa maladie (à partir de 1919). Ce sont alors des crises personnelles de l’écrivaine[16] qui se trouvent à l’origine de la crise reflétée dans son écriture.

2. Le jardin en crise ou la crise de la société

Pourtant, ce n’est pas la crise de l’écrivaine/narratrice qui se fait le sujet principal du cycle. Trois nouvelles, « Le jardin sur la terrasse (Meknès) », « L’inaccessible » et « Jardins emprisonnés (Fès) » se concentrent sur les femmes marocaines et les crises, plus ou moins explicitement nommées, qu’elles traversent.

Dans les trois textes, le jardin symbolise la liberté et le bonheur qui, pourtant, pour une raison ou pour une autre, ne sont jamais complets. Et c’est pourquoi, à notre avis, on peut parler du jardin en crise dont la figure reflète une crise plus grave encore, celle de la société.

Les premières paroles de la nouvelle « Le Jardin sur la terrasse (Meknès) » annoncent que « Khaddouje [une fillette de 13 ans qu’on vient de marier à un vieillard] ne savait pas ce que c’était un arbre, de la verdure, un jardin… car elle n’avait quitté la maison paternelle que pour celle, très proche, et non moins close, de son époux » (633). L’arbre, la verdure, le jardin veulent dire ici le monde en général. D’après les règles strictes de l’islam, la jeune fille de bonne famille ne quitte jamais sa maison et ne connaît donc pas le monde extérieur[17].

Selon les standards marocains de l’époque, la vie de Khaddouje est heureuse. Follement amoureux d’elle, son époux lui achète de nombreux cadeaux, ne lui donne aucune co-épouse, décide même de se débarrasser de sa concubine noire. La narratrice commente : « Certes Khaddouje n’avait rien à désirer… Pourtant, elle enviait confusément celles dont la demeure enferme un riadh mystérieux, plein de fleurs, d’arbustes, d’oiseaux » (634). Le riadh, jardin intérieur[18], devient un rêve de Khaddouje, rêve qui se transforme rapidement en obsession :

Lorsque, au printemps, l’air échauffe et vibre au-dessus des terrasses, […] et que le vent du soir apporte tous les parfums du bled en fleurs, Khaddouje sentait un immense désir frémissant de verdure, d’espace et de liberté, un désir de toutes les choses interdites, gonfler sa petite poitrine et tourmenter son cœur…
– Elle écoutait, pendant des heures, les récits de ses esclaves qui sortaient parfois hors de la ville, et elle se figurait le monde comme les bosquets du paradis que décrit le Livre Excellent (634).

Le jardin renvoie à l’image de jannah, le paradis islamique[19]. Néanmoins, la verdure devient aussi le synonyme de l’espace et de la liberté, donc des choses interdites à la jeune fille musulmane. Khaddouje se crée une image du monde extérieur qui est justement celle d’un jardin idéalisé, d’un certain éden inaccessible.

Pour réaliser, au moins partiellement, le rêve de sa femme, son mari lui offre des bouquets odorants. Mais quand Khaddouje tombe enceinte, « [l]es bouquets ne [lui] suffisaient plus […] ; elle rêvait de verdure et de campagne, d’herbe fraîche pleine d’insectes, d’arbres aux ombrages épais » (635). Elle se retire aussi de plus en plus dans un monde alternatif : « plus lasse que de coutume […] ; étendue sur les coussins de sa chambre […], elle poursuivait son rêve insensé… » (635). La jeune femme traverse une crise liée à l’impossibilité de vivre selon les règles de la société. Coupée du monde extérieur, elle se met à vivre dans le monde de ses rêves, dans un jardin idéalisé.

Ayant peur pour sa femme, mais avant tout pour l’enfant qu’elle porte, l’époux lui fait aménager un jardin sur sa terrasse. L’endroit la fascine :

L’univers s’ouvrait devant Khaddouje ; le jardin des terrasses prit, à ses yeux, les proportions d’un Paradis… Elle vit des forêts sous les feuilles, des sentiers entre les tiges, dont elle se plaisait à suivre les détours, des pays immenses et merveilleux semés de fleurs… Tout le jour, elle attendait, impatiente, la tombée du crépuscule, elle ne vivait plus que pour cette heure-là. […] Elle arrosait les plantes altérées par l’ardente réverbération de l’après-midi, surveillait l’éclosion d’un bouton, enlevait soigneusement les feuilles mortes, s’amusait aux jeux des fourmis et des moucherons…
– Bientôt, des volubilis plus azurés que les zélige de la cour s’enlacèrent aux roseaux et formèrent une petite tonnelle sous laquelle Khaddouje allait s’accroupir, heureuse, délivrée de son intense curiosité. Par-dessus la muraille, elle apercevait au loin la ligne bleuissante de l’Atlas… (636)

Khaddouje est convaincue que son jardin correspond à ce monde extérieur qu’elle ne connaît pas et qu’elle prend pour un paradis. Elle ne vit que pour venir dans « son jardin », arroser des plantes, observer des insectes. Rien d’autre n’existe pour elle. C’est son endroit à elle, son monde intime. Pourtant, comme le constate Sophie Le Ménahèze, l’intimité du jardin « repose sur une dialectique du dedans et du dehors »[20]. Et ici, le dehors n’existe pas. Le jardin de Khaddouje est un endroit enclos dans le monde enclos de la jeune femme.

Thierry Portal rappelle qu’au début le mot crise désignait « un changement soudain dans l’état d’un malade » en bien ou en mal[21]. Le jardin sur la terrasse apporte sûrement une amélioration momentanée de l’état de Khaddouje, mais non pas la guérison. La nouvelle finit de façon bien pessimiste :

Un soir, Khaddouje ne monta pas à la terrasse. Il y eut des cris dans la maison, puis des gémissements et des sanglots désespérés… La petite épouse, trop frêle, était morte en essayant d’être mère.
– Khaddouje repose au cimetière de Sidi Ben Aissa, au milieu des herbes sauvages et de la verdure.
– Le jardin des terrasses n’existe plus, tué par le soleil trop ardent de l’été. Car il est en ce monde deux choses exquises, mais fragiles, et qu’il faut toujours ménager : les fleurs et les petites filles (636).

La narratrice suggère qu’après la mort, Khaddouje retrouve paradoxalement ce qui lui a été refusé de son vivant à savoir la verdure et l’espace, caractéristiques du cimetière musulman[22]. Elle unit aussi visiblement le destin de la jeune fille fragile et celui des fleurs du jardin de ses rêves. La crise qui conduit à la mort de Khaddouje et qui s’attache, par là, à la figure du jardin, lui aussi détruit, résulte de règles sociales incompréhensibles : le mariage précoce et la claustration des femmes. La protagoniste de la nouvelle ressent confusément le manque de liberté (spatiale et personnelle) et en souffre. Pour y faire face, elle commence à vivre dans le monde de ses rêves, symbolisé par le jardin, qui l’emprisonne aussi.

Ce même manque de liberté (spatiale et personnelle) est le sujet principal de la nouvelle suivante, « L’inaccessible ». Les sultanes-veuves, à qui la société impose la chasteté, en leur interdisant de se remarier et en les séparant du monde, vivent dans un palais « loin de la ville, derrière les remparts et les ruines » (636). Même les rumeurs ne pénètrent pas ces murs. La narratrice commente :

Captives entre les captives, les Sultanes qui n’ont pas d’amour sont déjà retranchées du monde. L’ombre du Sultan défunt plane au-dessus de leur demeure… […]
– Les Sultanes qui n’ont plus d’amour ne gardent pas d’autre espérance.
– Le Palais est vaste et somptueux, il fut bâti par un grand prince et pour d’immenses destinées. Mais la gloire ne laisse qu’un nom, et les splendeurs, que des ruines… […]
– Les Sultanes passent de longues heures allongées parmi les coussins. Elles s’ennuient et regrettent l’amour (637).

L’expression « les Sultanes qui n’ont pas d’amour » revient dans le texte, le rythme, mais aussi montre la source principale de la crise que traversent les sultanes. Cette crise n’est pas aiguë et ponctuelle, comme c’est souvent le cas. Elle est longue et comme assourdie : la vie des sultanes est une marche vers la mort. Elles passent leurs journées dans un palais jadis splendide et aujourd’hui délaissé, conscientes qu’elles ressemblent de plus en plus à leur demeure. Elles aussi étaient belles, aimées, admirées, et aujourd’hui personne ne prête attention à leurs charmes qui « décrépissent », tout comme les murs du palais. La narratrice les présente l’une après l’autre enfermées dans leurs chambres. Chacune a sa propre histoire, ses propres souvenirs. Chacune rêve différemment la liberté :

Dans la deuxième chambre habite une Sultane venue des monts glacés de l’Atlas. Elle se souvient de sa libre jeunesse, du château fort où elle naquit, et des compagnes avec lesquelles, chaque jour, elle puisait l’eau dans le torrent… Fille de Caïd, elle devint femme du Sultan, pour sceller la réconciliation du Chef rebelle et de son Souverain.
– Dans la troisième chambre, habite une Circassienne dont la grâce affola Moulay Hassan durant plus d’une année. Un Vizir l’amena d’Asie où elle apprenait, au fond d’un harem, l’art des caresses voluptueuses. Mihirmeh, la très experte, se plaît à revêtir ses robes d’autrefois et son regard bleu erre par-delà le bled sans fin. Elle aperçoit, à travers les treillis d’un moucharabié, les vagues du Bosphore qui se brisent au pied du logis, et les mouettes tourbillonnant dans la tempête (637-638).

La fille de Caïd passe son temps à se rappeler sa liberté perdue[23]. La Circassienne[24] contemple la mer, figure de la liberté sans bornes, qu’elle a traversée en voyageant d’une prison à une autre.

Edgar Morin parle de la « dialectisation » qui se trouve à l’origine de la crise[25]. Dans la nouvelle « L’Inaccessible », la crise réside justement dans cette opposition entre le passé et le présent, la liberté et l’emprisonnement, le bonheur et le malheur.

Le jardin apparaît dans la seconde partie de la nouvelle : « Le cinquième jour de la semaine, des eunuques ouvrent une porte et les Sultanes prisonnières s’en vont » (638). Suit la description paradisiaque des jardins « pleins d’herbe fraîche », « des champs de pavots multicolores dont le parfum donne l’oubli, des orangers, des citronniers, des grenadiers et des pêchers accablés de fruits » (638-639). Pourtant, et là se cache le drame, les sultanes ne peuvent que voir ces jardins et non en profiter :

Les Sultanes qui n’ont pas d’amour ne vont point rêver sous les arbres, elles ne cueillent jamais une branche […]. Tracé en haut d’un rempart, le chemin qui leur est permis ne s’abaisse pas vers les jardins. Les Sultanes n’en sauraient descendre… Elles dominent des bosquets charmants, des roses, des jasmins et des sources, toutes délices interdites… En vain les vierges tendent leurs mains vers ces fleurs qu’elles ne peuvent atteindre. En vain tressaillent les veuves quand le vent du soir leur en apporte les parfums.
– Les Sultanes qui n’ont pas d’amour passent au-dessus des jardins (639).

La vue du jardin, inaccessible, devient une torture. Elle n’apporte aucun soulagement, ne fait qu’aggraver la crise dans laquelle s’enfoncent les sultanes se rappelant que la seule chose qui les attend, c’est la mort. Le jardin devient donc le vecteur d’une situation de crise. Son imaginaire habituel, qui évoque le plaisir, le repos et le bien-être[26], est corrompu. Ce jardin inaccessible dénonce la cruauté de la société qui condamne les femmes à la solitude et à la souffrance.

Une semblable figure de jardin, vecteur d’une situation de crise, apparaît dans la dernière nouvelle du cycle, « Jardins emprisonnés (Fès) », qui commence par une description très poétique :

Jardins mélancoliques et secrets entre les vieux murs !
– Des allées de mosaïques s’entrecroisent et se perdent à travers la verdure. Les bananiers, les rosiers, les arbres fruitiers poussent en fouillis dans les parterres négligés ; quelques vignes traînent et s’accrochent ; des jasmins esquissent un berceau ; les orangers et les citronniers chargés de fruits abaissent vers le sol leurs branches pliantes. Un merle invisible siffle, par intervalles, son petit air, accompagné par l’incessant et tendre roucoulement des tourterelles (644).

Cette description paradisiaque est rapidement tempérée par la phrase qui suit : « Une femme est morte d’ennui dans le jardin du Pacha » (645). Une certaine crise du jardin (et de son imaginaire habituel) s’annonce donc d’emblée.

La narratrice raconte l’histoire de Zeïna Haddi, fille d’un Caïd de la montagne[27]. Le Pacha de Fès l’aperçoit au moment où elle puise l’eau d’une source et la trouve si belle qu’il décide de l’épouser. Zeïna Haddi doit quitter le logis familial et déménager à Fès. La jeune fille perd la liberté de son enfance nomade avec le mariage[28] : « Elle se sentit prisonnière dans son palais de mosaïque, elle qui toujours avait vécu sous la tente. Elle se réfugiait au jardin afin de voir un peu de ciel, et de respirer l’odeur du vent qui a passé sur la montagne » (645). Le jardin, seul espace que Zeïna Haddi supporte à Fès, imitation de la nature vivante, se fait simulacre de la liberté.

En vain, son mari la comble de cadeaux, lui fait préparer une chambre splendide : « Elle ne voulait pas quitter le jardin. Afin de satisfaire son caprice, Pacha y fit installer des sofas et des coussins, et, la nuit il allait rejoindre son épouse sous les branches. Un rossignol chantait au-dessus d’eux… » (646). Ce rossignol qui chante contraste avec « un oiseau mécanique qui sifflait dans une cage dorée en remuant sa queue » (645) que le Pacha offre à sa belle. Zeïna Haddi ne s’intéresse pas du tout à cette figurine splendide ; elle préfère l’oiseau vivant. Mais, dans le jardin, le rossignol peut s’envoler quand il le veut alors que la jeune femme ne le peut. Emprisonnée dans sa cage dorée, elle dépérit : « Depuis qu’elle était à Fès, une fièvre lente consumait Zeïna Haddi. Chaque jour, elle devenait plus faible et plus triste. Elle mourut un soir, au jardin, à l’heure où les derniers rayons s’éteignent à la crête des murs » (646). Ce n’est pas sans raison que les derniers mots de la nouvelle évoquent les murs du jardin. Si ce bel espace a partie liée avec le dépérissement et la mort, c’est justement à cause des murs qui le ceignent. Un parallèle s’effectue entre la femme emprisonnée dans la maison de son mari et la nature vivante « emprisonnée » entre les murs du jardin.

Au total, dans les trois nouvelles, Aline de Lens traite de destins féminins en crise et se révolte contre l’impuissance des femmes musulmanes victimes de la société et – explicitement – victimes de l’homme. Même si le mari de Khaddouje et celui de Zeïna Haddi font tout pour rendre leur épouse heureuse, c’est le mariage qui conduit à la mort des deux protagonistes. Dans le cas des sultanes, elles se trouvent dans un état qui tient de la mort du fait de leur veuvage, de la fidélité qu’elles doivent à l’homme, même mort. L’homme et la société patriarcale sont à l’origine de la privation de liberté de la femme, ce qui provoque une crise. Dans chaque nouvelle, le jardin, espace souvent associé à la féminité[29] dans l’imaginaire musulman, « accompagne » les femmes dans cette crise. Les femmes meurent ou attendent la mort, en rêvant à la liberté impossible symbolisée par la nature vivante que le jardin imite imparfaitement : « La nature est l’objet vivant du jardin qui ne retient d’elle qu’une reproduction limitée, un apprivoisement ponctuel »[30]. L’image compromise du jardin a donc pour objectif de mettre en valeur les injustices sociales que l’écrivaine remarque dans la société maghrébine.

3. Le jardin en crise ou la crise d’un rêve

Est-ce par une sorte de solidarité avec les Maghrébines que les deux autres nouvelles du cycle Jardins maures sont consacrées à la narratrice européenne, facilement identifiable à Aline de Lens, et à sa propre crise liée au jardin ? La narratrice n’est pas, bien sûr, la victime de la société musulmane, mais son rêve de jardin subit aussi une certaine crise.

La nouvelle « Le Jardin décevant » s’ouvre par la description d’une inertie complète. La narratrice se trouve à l’intérieur :

Une torpeur morne et pesante engourdit la salle aux murailles de mosaïques, la salle sombre, toujours close, où la lumière pénètre à regret, telle une ennemie sournoise…
– Mes yeux habitués à cette ombre poursuivent les arabesques du plafond, qui se déroulent, se croisent et s’enchevêtrent en labyrinthe harmonieux. Ah ! que le regard se lasse de leurs détours, de leurs caprices et de leur mystère dont il est obsédé… Mais la volonté ne sait plus faire l’effort qu’elle désire, – comme en ces rêves dont le dormeur voudrait, et ne peut s’éveiller. Quelques mouches bourdonnent, d’un bourdonnement si continuel et monotone qu’il fait encore partie du silence et de la chaleur. Aucune vie ne tressaille en dehors de la salle où rien ne bouge ; aucun être ne traverse le patio dont les vertes perspectives apparaissent derrière les vitres de la croisée (639).

La narratrice reprend en quelque sorte à son compte les sentiments ressentis par les protagonistes marocaines. Elle se sent cloîtrée, rongée par l’impuissance et l’ennui. Elle traverse une crise. Comme les Magrébines des nouvelles, elle se laisse aussi enchanter par le jardin qui n’évoque pourtant pas la liberté (comme dans le cas des protagonistes marocaines), mais plutôt la fraîcheur et l’action : « Vision de fraîcheur et de printemps… ombre glauque des orangers… Fouillis de plantes venues au hasard dans leurs parterres symétriques… étincellement des allées sur lesquelles le soleil se joue en taches roses… bananiers aux feuilles longues et molles que le vent balance… charmille étoilée de jasmin… » (640). Le jardin est d’une beauté engageante. La narratrice décide d’agir, de suivre son rêve, de le toucher :

Le jardin m’attire, il me fascine… je quitte le divan où la chaleur m’avait jetée inerte, et j’entr’ouvre les lourds battants de cèdre précieusement ouvrés. Un souffle de feu pénètre dans la salle, la lumière trop cruelle blesse mes yeux, le sang bat à mes tempes avec violence, en un douloureux étourdissement. Le jardin tout entier flambe et vibre malgré ses promesses (640).

Le rêve du jardin se délite cruellement. Le jardin n’apporte rien de rafraîchissant. La narratrice conclut : « Ah ! rentrons dans la salle où l’on défaille, en cette atmosphère d’étuve, trop lourde, trop sombre, trop asphyxiante… L’être proteste contre l’agressive réalité du dehors… À travers les vitres et les grilles forgées de la fenêtre, il a tout au moins le mirage et l’espoir, l’illusion du jardin décevant… » (640)[31]. La crise persiste. Le rêve s’achève.

Cette « illusion du jardin » revient dans la nouvelle « Reminiscere ». La narratrice y parle de la « Hantise des jardins de Grenade, où la verdure est exubérante, où l’eau coule toujours et partout » (640)[32]. Elle revoit des allées, des plantes, des arbres, des bassins et conclut de façon inattendue : « Fraîcheur, impression verte et mouillée… parce que le sirocco souffle, depuis des jours, en tourbillons de poussière brûlante au-dessus des êtres et du bled lassés, à l’extrémité de la lassitude, par cet aride été d’Afrique… Mirages dans le désert… » (641). Le jardin frais n’existe que dans l’imagination de la narratrice, tout comme dans la nouvelle précédente. Il n’est qu’un mirage, un rêve qui se brise au contact de la réalité.

En somme, dans ces deux nouvelles, le jardin est à nouveau lié à la notion de crise. Cette fois, Aline de Lens ne critique pas la société maghrébine ni les règles qui y régissent la vie des femmes. Pourtant, elle continue à remettre en cause l’imaginaire édénique du jardin. D’habitude le jardin est « ressource et recours devant la désorientation et l’aliénation qu’implique la mutation précipitée du monde »[33]. Ici c’est le contraire. Le rêve du beau jardin, celui de la vision reposante et paradisiaque, est entièrement compromis : c’est un faux paradis qui se transmue en quelque sorte en enfer (comme l’indique la description de l’air qui semble du feu). Aline de Lens veut-elle dire que la vie des femmes maghrébines ressemble à l’enfer, le jardin étant une métonymie de leur vie ? Ou veut-elle juste suggérer qu’il n’est pas possible de jouir de la beauté là où les femmes souffrent ?

*

Dans le cycle d’Aline Réveillaud de Lens, une seule nouvelle est sensiblement différente. C’est « Le Verger au bord de l’oued (Meknès) », une sorte de poème où la voix masculine chante la nature, la bonne compagnie, le vin et la beauté des danseuses[34]. La description évoque l’hortus deliciarum « rempli de représentations charnelles et sensibles de la nature et du corps humain »[35]. Pourtant, dans la nouvelle, il ne s’agit pas d’un jardin, mais d’un verger au bord d’une rivière. Ce verger, contrairement au jardin, qui est un espace clos et urbain, est un espace ouvert qui fait partie de la nature. C’est sans doute la raison pour laquelle tout y est agréable, plaisant, paradisiaque. La perspective est pourtant entièrement masculine[36] : les femmes, des danseuses, n’apparaissent que pour donner du plaisir aux convives. La fin de la nouvelle est néanmoins ambiguë : « La nuit fut merveilleuse, et longue, longue, notre orgie sous les citronniers […]. Tous les oiseaux s’étaient tus, et l’on n’entendait que les soupirs des belles oppressées d’amours… Les amants s’abreuvèrent à leurs lèvres, ils ont dévasté le jardin » (644). Le jardin (l’auteure utilise ce mot et non celui de verger) est dévasté. Il ne survit pas aux plaisirs masculins. Est-ce que cela n’évoque pas de nouveau une crise, celle de la société patriarcale qu’Aline Réveillaud de Lens dénonce courageusement bien avant le développement des études féministes et des subaltern studies ?

La fin du « Verger au bord de l’oued (Meknès) » montre aussi que l’écrivaine se sert consciemment du genre de la nouvelle d’habitude terminée par une chute[37] et correspondant à l’acmé d’une crise. À la fin du « Jardin sur la terrasse (Meknès) », Khaddouje et son beau jardin meurent. La mort de la protagoniste conclut aussi les « Jardins emprisonnés (Fès) ». Dans « L’Inaccessible », que les femmes n’aient pas accès au jardin, ultime symbole de liberté, constitue l’apogée de leur souffrance. « Le Jardin décevant » et « Reminiscere » se terminent par l’évocation de la déception de la narratrice et la crise de son imaginaire du jardin.

Or dans ses nouvelles, Aline Réveillaud de Lens tend à dépasser aussi le sens classique du terme « crise » qui évoque une rupture, un choc ; chez l’écrivaine, la crise signifie aussi le manque de mouvement, de liberté, un certain emprisonnement, une aliénation. Les femmes des nouvelles vivent séparées du monde extérieur et en souffrent. Cette souffrance résulte des règles qui régissent la société maghrébine où la femme ne dispose pas d’elle-même, où on la marie sans la consulter, où on la prive de contacts, y compris avec la nature. Si elle ne l’accepte pas, il ne lui reste qu’à vivre dans une réalité alternative, celle de ses rêves (Khaddouje) ou celle du passé (les sultanes-veuves et Zeïna Haddi). Le jardin, symbole de l’inaccessible liberté, apporte un soulagement momentané avant de finalement accroître le drame. Sa figure s’unit d’ailleurs de façon intéressante à cette aliénation des femmes[38]. L’hortus conclusus est un endroit enclos, protégé, mais aussi séparé du monde. Tout comme les femmes qui y séjournent ou qui en rêvent.

Même dans les deux nouvelles dont la protagoniste est la narratrice européenne, celle-ci adopte, en quelque sorte, la position des femmes maghrébines : enfermée dans l’espace étouffant, elle essaie, en vain, de s’en libérer à l’aide de ses rêves, de ses rêves de jardin. Elle n’y parvient pas. Au contact de la réalité, le rêve se brise. La réalité est tellement cruelle que l’imaginaire habituel du jardin succombe sous son poids, ne joue pas son rôle habituel. Le jardin n’est pas « ce locus amoenus, ce lieu […] aimable […] où [on] peu[t] trouver ombre et fraîcheur, action, beauté et tout cela conformément à [s]on attente singulière »[39]. Son imaginaire devient victime autant que la femme.

C’est pourquoi il est possible de dire que l’imaginaire habituel du jardin dans les nouvelles lensiennes se déconstruit. Le jardin des Jardins maures n’est pas un endroit paradisiaque, faisant référence à la tradition musulmane et chrétienne, mais un leurre, un mirage, une illusion. Sa figure demeure pourtant complexe : la beauté du jardin lensien est un leurre, mais un leurre qui aide, au moins provisoirement, à faire face à la réalité et à nourrir ses rêves avant que ceux-ci ne se délitent. Alors que le jardin est souvent « un instrument thérapeutique »[40], chez Aline de Lens la guérison qu’il apporte n’est que momentanée ou apparente. Le jardin traverse donc une crise qui reflète d’autres crises, plus profondes encore, résultant des injustices patriarcales dans la société maghrébine en ce début du XXe siècle. Aline de Lens se sert d’une stratégie « contre-représentationelle »[41] : la femme maghrébine n’est pas une odalisque dans un jardin paradisiaque, mais une femme en crise devant « l’illusion du jardin décevant ».



*Małgorzata Sokołowicz, maîtresse de conférences HDR à l’Institut d’études romanes de l’Université de Varsovie et à l’Université de musique Frédéric-Chopin, membre associée du laboratoire CERCLE de l’Université de Lorraine, est l’auteure des livres La Catégorie du héros romantique dans la poésie française et polonaise au XIXe siècle (2014), Orientalisme, colonialisme, interculturalité. L’œuvre d’Aline Réveillaud de Lens (2020) et d’une soixantaine d’articles sur les relations entre littérature et art, l’orientalisme, les relations de voyage et l’écriture (post)coloniale, e-mail: malgorzata.sokolowicz@uw.edu.pl, ORCID: https://orcid.org/0000-0003-0554-8852


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Notes de bas de page

  1. M. Blaise, M. Sokołowicz, S. Triaire, « Crise de la littérature et partage des disciplines. Introduction », in Crise de la littérature et partage des disciplines, éd. M. Blaise, M. Sokołowicz, S. Triaire, Warszawa, WUW, 2020, p. 5.
  2. E. Morin, « Pour une crisologie », Communications, 2012 [1976], no 91, p. 135.
  3. Ibid.
  4. Th. Portal, Crises et facteur humain. Les nouvelles frontières mentales des crises, Louvain-la-Neuve, De Boeck, 2009, p. 16-17.
  5. E. Morin, op. cit., p. 136.
  6. Cf. Th. Portal, op. cit., p. 15.
  7. J. Chevalier, A. Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Paris, Robert Laffont/Jupiter, 2012, p. 613.
  8. S. Kobielus, « The Colar Altar with the Apocalyptic Woman in the Treasury of St Mary’s Basilica in Krakow. Theological Contents », Roczniki Humanistyczne, 2018, no 66 (4), p. 136.
  9. F. Thomas, « Hortus conclusus », Sigila, 2014, no 34, p. 49.
  10. L’hortus conclusus se réfère aussi à la Vierge Marie, particulièrement à l’Annonciation. Cf. S. Kobielus, op. cit., p. 137-138.
  11. F. Thomas, op. cit., p. 51.
  12. Pour les détails concernant la vie et l’œuvre d’Aline Réveillaud de Lens : M. Sokołowicz, Orientalisme, colonialisme, interculturalité. L’œuvre d’Aline Réveillaud de Lens, Warszawa, WUW, 2020, p. 9-26.
  13. A. R[éveillaud] de Lens, « Jardins maures », La Revue de Paris, Septembre-Octobre 1932, p. 637-650. Toutes les citations viennent de cette édition. Dorénavant, nous ne marquerons que le numéro de la page dans le corps du texte.
  14. Cf. M. Sokołowicz, Orientalisme…, op. cit., p. 107, n. 81. Dans une note écrite dans le journal intime manuscrit d’Aline Réveillaud de Lens, son mari, André, parle du projet de publier les Jardins maures et d’y « insérer […] les reproductions de la plupart de ses tableaux ». Cf. Journal manuscrit, le 11/2/1925, Archives du Maroc, boîte 80. Sur les relations entre les tableaux d’Aline et les nouvelles du cycle, voir M. Sokołowicz, Orientalisme…, op. cit., p. 101-111.
  15. Cf. le tapuscrit et les épreuves des Jardins maures dans les Archives de la famille de Lens.
  16. Nous en parlons dans notre article : M. Sokołowicz, « “L’angoisse m’écrase”. Représentations et expressions de la crise dans le journal intime d’Aline Réveillaud de Lens », inPour une histologie de la crise, éd L. Lévêque, A. Staroń, Arcidosso, Effigi, 2021, p. 343-357.
  17. Cf. J. Minces, La Femme voilée, Paris, Calmann-Lévy, 1990, p. 68-69.
  18. Pour le rôle du jardin dans la vie de la femme musulmane : A. Lytle Croutier, Harems. Le Monde derrière le voile, trad. J. Susini, Paris, Belfond, 1989, p. 44-46. Il est intéressant de noter que Ghita El Khayat, psychiatre et anthropologue, connue pour sa riche réflexion sur la condition de la femme maghrébine, intitule son recueil de nouvelles Les Sept Jardins : R. El Khayat, Les Sept Jardins, Paris, L’Harmattan, 1995.
  19. Cf. M. Chebel, L’Imaginaire arabo-musulman, Paris, Quadrige/PUF, 1993, p. 160.
  20. S. Le Ménahèze, « Le jardin pittoresque entre ouverture et exclusion : les paradoxes de l’intimité », in Jardins et intimité dans la littérature européenne, 1750-1920, éd. S. Bernard-Griffiths, F. Le Borgne, D. Madelénat, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2008, p. 41.
  21. Th. Portal, op. cit., p. 15.
  22. Sur l’importance du motif du cimetière dans l’œuvre d’Aline Réveillaud de Lens : M. Sokołowicz, Orientalisme…, op. cit., p. 93-95.
  23. Elle est sans doute berbère et les Berbères sont élevées différemment des Arabes. Il y a beaucoup plus d’égalité entre hommes et femmes. Cf. F. Sadiqi, Moroccan Feminist Discourses, New York, Palgrave Macmillan, 2014, p. 52-54.
  24. Les Circassiennes, originaires du Caucase et connues pour leur beauté et leur intelligence, étaient souvent achetées par les riches musulmans. Elles étaient élevées spécialement pour « orner » leurs harems. Cf. L. Hanoum, Le Harem impérial au XIXe siècle, Bruxelles, Éditions Complexe, 2000, p. 51-55.
  25. Cf. E. Morin, op. cit., p. 148.
  26. Il est tout à fait probable que, durant la vie du sultan, ses femmes aient eu la possibilité de profiter des jardins. Cf. A. Lytle Croutier, op. cit., p. 46.
  27. Comme l’une des sultanes de la nouvelle « L’Inaccessible », Zeïna Haddi est berbère et profite d’une certaine liberté de circulation. Cf. F. Sadiqi, op. cit., p. 53-54.
  28. Sur cette aliénation de la femme causée par le mariage : A. Caillé, « Le triple don et/ou la triple aliénation des femmes », Revue du MAUSS, no 39, p. 41 ssq.
  29. Cf. A. Lytle Croutier, op. cit., p. 44-46.
  30. F. Thomas, op. cit., p. 49.
  31. L’extrait fait penser à la description du tableau Femmes d’Alger dans leur appartement d’Eugène Delacroix faite par Assia Djebar. L’écrivaine algérienne voit dans la toile le reflet exact de la vie des femmes du harem : « Prisonnières résignées d’un lieu clos qui s’éclaire d’une sorte de lumière de rêve venue de nulle part – lumière de serre ou d’aquarium ». A. Djebar, Femmes d’Alger dans leur appartement, Paris, Albin Michel, 2002, p. 241. Ces mots semblent décrire aussi la narratrice de la nouvelle lensienne et confirmer, en quelque sorte, son identification partielle avec les Maghrébines.
  32. Sur l’importance d’un certain mythe de Grenade dans l’œuvre d’Aline de Lens : M. Sokołowicz, Orientalisme…, op. cit., p. 152-153.
  33. D. Madelénat, « Avant-propos : L’intime en ces jardins… », in Jardins et intimité…, op. cit., p. 14.
  34. La nouvelle semble s’inspirer de la poésie arabe classique. Cf., p. ex., J. Stetkevych, « Some Observations on Arabic Poetry », Journal of Near Eastern Studies, 1967, no 1 (26), p. 1-12.
  35. F. Thomas, op. cit., p. 52.
  36. D’ailleurs, dans le paradis musulman, c’est aussi l’homme qui est privilégié. Cf. M. Chebel, L’Esprit du sérail. Mythes et pratiques sexuels au Maghreb, Paris, Payot, 1995, p. 180-181.
  37. Cf. F. Goyet, La Nouvelle 1870-1925, Description d’un genre à son apogée, Paris, PUF, 1993.
  38. Force est de constater que le jardin en tant que figure d’emprisonnement des femmes symbolisant en quelque sorte les contraintes que la société leur impose apparaît dans la littérature française du XIXe siècle, et notamment dans Honorine de Balzac et Isidora de George Sand. Cf. P. Auraix-Jonchière, « Sociopoétique du jardin dans le roman français du XIXe siècle », conférence enregistrée en avril 2019 disponible sur le site de France Culture : https://www.franceculture.fr/conferences/maison-de-la-recherche-en-sciences-humaines/les-femmes-au-jardin-chez-balzac-et-george-sand-lieu-denfermement, consulté le 17 mars 2022. Au sujet du jardin dans ces deux textes voir J. Guichardet, « Honorine ou la fleur de son secret », in Jardins et intimité…, op. cit., p. 185-196 et S. Bernard-Griffiths, « Jardins et intimité dans Isidora (1845) de George Sand », in Jardins et intimité…, op. cit., p. 213-224.
  39. F. Thomas, op. cit., p. 58.
  40. D. Madelénat, op. cit., p. 18.
  41. Cf. I. Gadoin, « Introduction – Quelques orientations sur l’Orient des femmes », in L’Orient des femmes, éd. M.-É. Palmier-Chatelain, P. Lavagne d’Ortigue, Lyon, ENS Éditions, 2002, p. 9.

COPE
CC

Received: 2021-08-17; Revised: 2022-03-02; Accepted: 2022-04-04.